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17 août 2015 1 17 /08 /août /2015 22:19

Les taux de chômage sont en général négativement corrélés avec la croissance du PIB, si bien qu’ils sont utilisés pour déterminer ou confirmer à quel point du cycle se situent les économies. En effet, plus la croissance est soutenue, plus la création d’emplois s’accélère, plus celle-ci nourrit en retour la croissance. Inversement, lorsque l’activité est déprimée, le chômage est susceptible de s’aggraver, ce qui risque d’affaiblir davantage la demande globale. Le taux de chômage aurait également tendance à être d’autant plus élevé que l’économie est développée : en moyenne, si les pays à haut revenu ont les taux de chômage les plus élevés, les pays à faible revenu ont les taux de chômage les plus faibles, tandis que les pays à revenu intermédiaire se caractérisent par un taux de chômage à un niveau intermédiaire (cf. graphique 1).

La Chine est dans ce cadre une anomalie, puisque son taux de chômage serait à la fois faible et stable d’après les statistiques officielles. La Banque mondiale classe la Chine parmi les pays à revenu intermédiaire supérieur en termes de revenu national brut par tête et pourtant son taux de chômage est inférieur à celui des pays à faible revenu. Malgré les accélérations et ralentissements de la croissance chinoise, notamment lors de la crise financière mondiale de 2008-2009, le taux de chômage chinois est resté compris entre 4 % et 4,3 %. Cette stabilité (apparente) est d’autant plus remarquable que la Chine a connu de profondes transformations ces dernières décennies avec la restructuration des entreprises publiques, l’intensification des migrations des campagnes vers les villes, l’accession à l’OMC et les progrès en termes de réussite scolaire.

Même si beaucoup d’agrégats relatifs à l’économie chinoise sont pris avec précaution par les analystes, le taux de chômage apparaît comme l’un des moins fiables. Le taux de chômage chinois est calculé en rapportant le nombre de personnes inscrites auprès des agences de l’emploi sur le nombre d’actifs. La sous-estimation du chômage est susceptible d’être particulièrement forte, d’une part, parce qu’une large part de la population n’est par inscrite sur les registres locaux (le fameux système du hukou), si bien que beaucoup de chômeurs ne peuvent s’inscrire dans les agences de l’emploi locales, d’autre part, parce que les chômeurs sont peu incités à s’inscrire auprès des agences pour l’emploi, notamment en raison du faible montant des allocations-chômage, mais aussi pace que les chiffres du chômage sont agrégés au fur et à mesure qu’ils sont transmis vers les niveaux hiérarchiques supérieurs de la bureaucratie publique, si bien qu’ils sont facilement l’objet d’erreurs ou de manipulations volontaires. Enfin, en ce qui concerne le taux d’activité, celui-ci n’est tout simplement pas disponible dans les statistiques officielles.

GRAPHIQUE 1 Taux de chômage par pays (en %)

Quelles sont les tendances à long terme du taux de chômage en Chine ?

source : Feng et alii (2015)

Shuaizhang Feng, Yingyao Hu et Robert Moffitt (2015) ont cherché à déterminer le véritable taux de chômage chinois sur la période s’écoulant entre 1988 et 2009 en utilisant des résultats d’enquêtes réalisées auprès des ménages couvrant l’ensemble des villes chinoises. Le taux de chômage qu’ils obtiennent s’écarte significativement de celui donné par les données officielles (cf. graphique 1). Le taux de chômage atteignit en moyenne 3,9 % entre 1988 et 1995, lorsque le marché du travail était fortement réglementé et dominé par les entreprises publiques. Cette moyenne est légèrement supérieure à celle tirée des statistiques officielles. Par contre, le taux de chômage augmenta fortement entre 1995 et 2002, c’est-à-dire précisément sur la période au cours de laquelle les entreprises publiques ont licencié en masse et les migrations vers la ville se sont multipliées. La hausse du chômage s’est arrêtée en 2002. L’accession à l’OMC a pu stimuler la demande de travail. Entre 2002 et 2009, le taux de chômage atteignit en moyenne 10,9 %, soit un chiffre supérieur à la moyenne des pays à haut revenu.

L’analyse de Fen et alii suggère que certaines catégories sont plus éloignées de la vie active et plus affectées par le chômage que la moyenne, notamment les jeunes, les femmes et les moins éduqués. Les cohortes les plus récentes connaissent les taux de chômage les plus élevés et les taux d’activité les plus faibles, en particulier les plus jeunes. Les régions qui ont connu le plus de licenciements avec la restructuration des entreprises publiques sont également celles qui ont subi les plus fortes hausses du chômage. 

GRAPHIQUE 2 Taux d’activité en Chine (en %)

Quelles sont les tendances à long terme du taux de chômage en Chine ?

source : Feng et alii (2015)

Feng et ses coauteurs déterminent aussi le taux d’activité chinois (cf. graphique 2). Ils constatent qu’ils déclinèrent tout au long de la période, en particulier entre 1995 et 2002, lorsque le taux de chômage grimpa le plus fortement.

 

Référence

FENG, Shuaizhang, Yingyao HU & Robert MOFFITT (2015), « Long run trends in unemployment and labor force participation in China », NBER, working paper, n° 21460, août.

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