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28 avril 2015 2 28 /04 /avril /2015 14:23

Lorsque les pays avancés ont basculé dans la Grande Récession, ils présentaient des niveaux élevés de dette publique, or le ralentissement de l’activité, l’adoption de plans de relance budgétaire et le sauvetage du secteur bancaire ont détérioré davantage les finances publiques. La crainte était alors que les économies avancées connaissent une envolée explosive de la dette publique et une crise de la dette souveraine, une crainte largement répandue à partir de 2010 lorsque la crise grecque s’aggrava et contamina le reste de la périphérie de la zone euro. Les gouvernements ont alors considéré l’assainissement des finances publiques comme prioritaire sur le retour au plein emploi ; ils abandonnèrent la relance pour adopter l’austérité.

La reprise qui suivi la Grande Récession fut lente. D’un côté, certains ont affirmé que le niveau élevé des dépenses publiques, des prélèvements obligatoires et de la dette publique pesaient sur l’activité, si bien qu’il fallait approfondir l’austérité budgétaire pour stimuler l’activité et maintenir l’endettement public sur une trajectoire soutenable. De l’autre, certains ont suggéré que la reprise a été précisément freinée par l’adoption de plans d’austérité ou tout du moins par le retrait hâtif des plans de relance. Dans cette optique, la consolidation budgétaire est peut-être nécessaire pour assurer la soutenabilité des finances publiques, mais elle ne doit survenir qu’une fois la reprise pleinement achevée et l’économie revenue au plein emploi.

Parmi le monde universitaire, le débat s’est cristallisé autour de la taille des multiplicateurs budgétaires. Si ces derniers sont supérieurs à l’unité, ce qui serait précisément le cas lorsque l’économie connaît une récession et lorsque les taux d’intérêt nominaux butent sur leur borne inférieure zéro, alors les autorités doivent privilégier la relance budgétaire. Cette dernière pourrait même entièrement s’autofinancer selon certains, car l’accroissement résultant de l’activité génèrerait suffisamment de recettes publiques pour financer le surcroît de dette publique. Inversement, l’adoption de l’austérité est susceptible d’accroître les ratios d’endettement publique en réduisant plus rapidement le PIB que le montant de la dette publique. Par contre, si les multiplicateurs sont inférieurs à l’unité, les autorités publiques pourraient opter pour la consolidation budgétaire : cette dernière conduirait certes à freiner l’activité, mais elle permettrait de réduire plus rapidement  la dette publique, ce qui conduirait à une baisse des ratios d’endettement public.

Certains sont allés encore plus loin en suggérant que les multiplicateurs sont négatifs, même au cours d’une récession. Autrement dit, une consolidation budgétaire est susceptible de stimuler l’activité, notamment en nourrissant la confiance du secteur privé et en incitant par là ce dernier à dépenser davantage. En fait, l’impact négatif qu’un plan d’austérité exerce sur la demande globale serait plus que compensé par l’impact positif que ce plan d’austérité exercerait sur la confiance. Cette idée d’une austérité expansionniste fut développée au niveau académique par Alesina ; ses multiples travaux  offrirent une justification « scientifique » aux multiples appels à l’austérité budgétaire émanant d’institutions de politique économique comme la Commission européenne ou la BCE. L’idée d’une austérité expansive donna lieu à une vive controverse au sein même du monde académique et Paul Krugman, particulièrement critique à son égard, parla à plusieurs reprises de la « fée confiance » (confidence fairy) pour en souligner les fragiles soubassements.

Ces dernières années, les études empiriques, notamment celles du FMI, ont confirmé que les multiplicateurs budgétaires étaient plus élevés au cours des récessions qu’au cours des phases d’expansion ; en l’occurrence, ils seraient bien supérieurs à l’unité lorsque l’activité est atone, lorsque le chômage est élevé et lorsque l’économie fait face à une trappe à liquidité, c’est-à-dire dans la configuration même à laquelle faisaient face les pays avancés lors de la Grande Récession. Il y a certes eu des épisodes d’austérité expansionniste par le passé, mais ceux-ci n’ont été possibles que parce que l’économie jouit d’une dépréciation de sa devise qui stimula suffisamment la demande extérieure pour compenser l’impact direct de l’austérité sur la demande ; en l’occurrence, ce n’est pas l’austérité même qui stimula l’activité économique. Le FMI reconnut lui-même que la généralisation de l’austérité budgétaire en 2010 fut précipitée.

Une récente étude publiée par la BCE met également en question l’idée que l’austérité améliore la confiance, fragilisant ainsi davantage l’idée d’une austérité expansionniste. Roel Beetsma, Jacopo Cimadomo, Oana Furtuna et Massimo Giuliodori (2015) ont en effet observé comment les consolidations budgétaires affectaient la confiance du secteur privé. Leurs régressions de panel suggèrent que les consolidations entraînent une dégradation de la confiance. L’impact est plus large lorsque le plan d’austérité s’appuie sur la hausse des prélèvements obligatoires plutôt que sur la baisse de dépenses publiques et lorsque les accords institutionnels sont faibles. La confiance des ménages chute à l’annonce des mesures d’austérité, en l’occurrence lorsque ce sont des hausses d’impôts que le gouvernement annonce. La confiance des entreprises réagit aux consolidations budgétaires de la même manière que la confiance des ménages, mais plus faiblement. Ainsi, si la consolidation est inévitable et si l’objectif est avant tout de préserver la confiance, Beetsma et ses coauteurs estiment que le gouvernement doit privilégier la baisse des dépenses publiques plutôt que la hausse des impôts. Leur étude ne détermine toutefois pas si la baisse des dépenses publiques est moins nocive à l’activité économique que la hausse des impôts.

 

Références

BEETSMA, Roel, Jacopo CIMADOMO, Oana FURTUNA & Massimo GIULIODORI (2015), « The confidence effects of fiscal consolidations », BCE, working paper, n° 1770, mars.

SARACENO, Francesco (2015), « The confidence witch », in Sparse Thoughts of a Gloomy European Economist (blog), 25 mars.

WREN-LEWIS, Simon (2015), « Confidence », in Mainly Macro (blog), 15 avril.

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commentaires

C
En Grèce l'austérité imposée par la troïka a fait des ravages sur la population qui subit la misère, le chômage, les difficultés pour se soigner, pour payer les études, les retraites, tout en accusant une hausse des impôts..., tout ça n'a absolument pas permis de rétablir la confiance (bien au contraire) ni d'améliorer quoi que ce soit au niveau de la solvabilité de l'Etat qui reste surendetté. C'est bien de faire des études sur des faits connus depuis des années déjà, mais c'est totalement inutile et le simple bon sens suffit.
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