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25 juin 2015 4 25 /06 /juin /2015 11:01

Le bilan des banques centrales a connu une forte expansion durant la récente crise financière mondiale et lors de la subséquente reprise. En l’occurrence, les banques centrales ont délibérément laissé gonfler leur bilan pour stimuler l’activité. Cette politique reste toutefois très controversée. Il n’est pas certain qu’elle stimule effectivement l’activité. Elle risque par contre d’avoir des effets pervers : certains craignent que l’explosion de la base monétaire entraîne une hyperinflation ou qu’elle alimente la prochaine crise financière.

Niall Ferguson, Andreas Schaab et Moritz Schularick (2015) ont étudié l’évolution des bilans des banques centrales de 12 pays avancés depuis 1900. Ils observent en l’occurrence 23 expansions et 17 expansions des bilans. La plupart du temps, la taille des bilans a fluctué entre 10 % et 20 % du PIB. Historiquement, les amples expansions et contractions des bilans ont été associées à des périodes de crise géopolitique ou financière. En l’occurrence, les épisodes synchronisés d’amples expansions et contractions ont été observées durant les Guerres mondiales, la Grande Dépression et la Grande Récession. Seul le cycle d’expansion-contraction de la Seconde Guerre mondiale est de même ampleur que celui observé depuis 2007. Les deux épisodes se distinguent toutefois l’un de l’autre dans leurs causes : alors que la finance de guerre représenta un puissant choc d’offre de monnaie avec des conséquences inflationnistes, les expansions de bilan lors de la récente crise résultent, du moins en partie, d’un puissant un choc de demande de monnaie durant la crise.

GRAPHIQUE Taille des bilans des banques centrales (en % du PIB)

Faut-il s’inquiéter de l’expansion du bilan des banques centrales ? Quelques enseignements de l'Histoire

source : Ferguson et alii (2015)

Relativement à la taille du secteur financier, les bilans des banques centrales (et en particulier les dépôts des banques commerciales auprès des banques centrales) se sont fortement réduits au cours des trois décennies précédant la crise financière. De ce point de vue, leur récente expansion marque en partie un retour aux niveaux antérieurs, en l’occurrence aux niveaux atteints durant les années soixante-dix, juste avant l’explosion du secteur financier. Au cours des dernières décennies, les banques centrales avaient ignoré l’énorme dette que le système financier édifiait et l’étroitesse toujours plus prononcée des fondations de liquidité sur laquelle il reposait. Depuis 2008, cette tendance a été en partie inversée. Par conséquent, les bilans des banques centrales sont susceptibles de rester durablement larges et les banques commerciales pourraient laisser de plus importants dépôts auprès des banques centrales.

Ferguson et ses coauteurs se sont demandé comment les banques centrales avaient réduit la taille de leur bilan au cours de l’histoire. La plupart des réductions ont eu lieu qu’avec l’expansion de l’économie. Seules quelques banques centrales ont normalisé leurs bilans après de larges expansions en réduisant leur taille nominale ; au cours de ces épisodes-là, la composition des bilans s’est révélée déterminante. Ils n’ont pas identifié un seul incident au cours duquel la banque centrale aurait vendu des titres de long terme publics (ou privés) pour inverser une large expansion en termes nominaux.

Ils montrent que, sur la période de leur échantillon, la taille du bilan des banques centrales et la dette publique tendent à varier dans le même sens. Cette observation est particulièrement vraie durant les Guerres  mondiales et immédiatement après elles. Durant les périodes de fortes turbulences économiques et politiques, les autorités budgétaires et monétaires ont eu tendance à travailler de concert. La distinction entre politique monétaire et politique budgétaire est alors difficile à se maintenir en période d’instabilité. L’expérience des années cinquante suggère qu’une banque centrale ayant acheté des obligations pour maintenir les taux d’intérêt de long terme à un faible niveau s’expose dès lors à des pressions politiques si elle désire ensuite s’en défaire.

Ferguson et ses coauteurs étudient également la relation entre le bilan des banques centrales et l’inflation. Les preuves empiriques ne suggèrent pas que la récente expansion des bilans fasse peser un risque immédiat sur la stabilité des prix. En effet, ils constatent une corrélation positive entre les deux variables pour la plupart du vingtième siècle, mais le lien s’est affaibli au cours des dernières décennies. Pour les auteurs, tant que les banques centrales gardent leur crédibilité en tant que gardiennes indépendantes de la stabilité des prix, l’expansion des bilans n’a pas à être nécessairement inflationniste. Par contre, la menace sur la stabilité des prix à long terme est réelle si l’indépendance des banques centrales est compromise. 

 

Références

FERGUSON, Niall, Andreas SCHAAB & Moritz SCHULARICK (2015), « Central bank balance sheets: Expansion and reduction since 1900 », CESifo, working paper, n° 5379.

WESSEL, David (2014), « Niall Ferguson’s (mostly) comforting history of central bank balance sheet expansions », in Wall Street Journal, 28 mai.

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