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18 mars 2015 3 18 /03 /mars /2015 22:47

Plus précisément, entre 1990 et 2000, la valeur réelle de la production manufacturière américaine a augmenté d’un tiers et pourtant le volume des principaux polluants atmosphériques (comme les oxydes d’azote, les particules fines, le dioxyde de soufre et des composantes organiques volatils) émis par le secteur manufacturier a chuté en moyenne de 35 %. Après 2000, la croissance de la production manufacturière réelle a ralenti, pourtant les émissions polluantes de l’industrie ont chuté à nouveau de 25 points de pourcentage par rapport à leurs niveaux de 1990. Ainsi, dans l’ensemble, les émissions des principaux polluants atmosphériques ont chuté de 60 % entre 1990 et 2008.

Les études ont souvent privilégié quatre raisons pour expliquer cette performance. Premièrement, les échanges de biens manufacturiers réalisés par les Etats-Unis avec le reste du monde ont fortement augmenté. Or les activités industrielles polluantes ont pu être délocalisées à l’étranger (par exemple dans les pays émergents comme le Mexique ou la Chine), si bien que les Etats-Unis ont pu se contenter d’importer les biens issus de cette production sans avoir à en supporter les externalités négatives. Ces dernières n’auraient donc pas été éliminées, mais tout simplement « exportées » ailleurs dans le monde. Deuxièmement, le resserrement de la réglementation environnementale, ainsi que l’introduction de taxes environnementales et d’autres mesures de politique climatique, ont sûrement incité les entreprises à adopter des technologies toujours plus propres. Troisièmement, avec la hausse de leur niveau de vie et la satisfaction croissante de leurs besoins fondamentaux, les ménages américains ont pu graduellement choisir de moins dépenser dans la consommation de biens sales et de dépenser davantage dans la consommation de biens propres et de services, ce qui aurait incité les entreprises à réorienter leur production au profit de ces derniers. Quatrièmement, si les entreprises utilisent moins d’intrants polluants chaque année pour produire les mêmes biens et services, alors la croissance de la productivité peut améliorer la qualité de l’air. Certains ont ainsi cru déceler une relation fortement négative entre la pollution par unité produite au niveau de chaque usine et la productivité totale des facteurs dans le secteur manufacturier américain : en l’occurrence, lorsque la productivité totale des facteurs augmente, la pollution par unité produite diminue.

Joseph Shapiro et Reed Walker (2015) ont développé un modèle quantitatif pour déterminer quelle est la contribution respective des échanges internationaux, de la réglementation environnementale, de la productivité et des préférences des consommateurs dans la réduction des émissions polluantes de l’industrie américaine entre 1990 et 2008. Les deux auteurs combinent des modèles issus de la littérature sur le commerce international et de la littérature sur l’économie de l’environnement. Alors que la plupart des modèles quantitatifs sont utilisés pour prévoir comment de possibles politiques comme les taxes carbone et la réduction des droits de douane puissent à l’avenir affecter la pollution et le bien-être, Shapiro et Walker utilisent leur modèle pour analyser le passé. Pour cela, ils s’appuient sur les données détaillées issues du Census Bureau des Etats-Unis. Ces données apportent des informations à propos des émissions, des marchandises et des coûts de production pour chaque usine dans le secteur manufacturier américain.

Le modèle et les données empiriques amènent Shapiro et Walker à tirer trois principales conclusions. Premièrement, la chute des émissions polluantes s’explique principalement par le baisse de la pollution par unité produite dans un ensemble limité de produits plutôt qu’à une réallocation de la production en faveur de nouveaux produits ou à des changements du montant de la production manufacturière. Deuxièmement, le relèvement de la taxe de la pollution a plus que doublé entre 1990 et 2008. Troisièmement, la réglementation environnementale expliquerait plus de 75 % de la réduction observée dans les émissions polluantes dans l’industrie. Les coûts d’échange et le changement des préférences ont joué des rôles bien moindres dans la dépollution. Malgré la relation entre la pollution et la productivité constatée au niveau de chaque usine, la croissance de la productivité a eu un effet limité sur les émissions polluantes au niveau de l’ensemble de l’économie américaine. Ainsi, ce n’est pas la poursuite de la croissance américaine ou, plus spécifiquement, de la croissance de la production manufacturière qui a rendu plus propre cette dernière, mais bien l’action des autorités publiques.

 

Référence

SHAPIRO, Joseph S., & Reed WALKER (2015), « Why is pollution from U.S. manufacturing declining? The roles of trade, regulation, productivity, and preferences », NBER, document de travail, n° 20879, janvier.

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