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31 mai 2015 7 31 /05 /mai /2015 09:37

Avant la Grande Récession, beaucoup s’accordaient à l’idée que la politique monétaire était à même de stabiliser l’activité économique, rendant alors inutile l’usage de la politique budgétaire pour atteindre cet objectif. Plusieurs soulignaient toutefois le danger d’une trappe à liquidité et prenaient l’exemple du Japon pour l’illustrer : depuis 1999, la Banque du Japon s’est révélée incapable de sortir l’économie insulaire de la stagnation et de la déflation. La crise financière mondiale a fini par faire voler en éclat ce quasi consensus : elle fut si violente que les banques centrales auraient dû adopter des taux d’intérêt nominaux fortement négatifs pour ramener les économies au plein emploi. Comme elles ne peuvent réduire leurs taux directeurs en-deçà de zéro (ou, tout du moins, difficilement), elles ont dû alors adopter des mesures non conventionnelles pour assouplir davantage leur politique monétaire. Surtout, les gouvernements ont dû adopter des plans de relance pour stimuler la demande globale.

La relance budgétaire est apparue nécessaire précisément à un moment où elle était des plus efficaces. En effet, la taille des multiplicateurs budgétaires semble dépendre de la position de l’économie dans le cycle d’affaires. En l’occurrence, les multiplicateurs sont faibles voire négatifs lorsque l’économie est en pleine expansion. Par contre, ils sont élevés, supérieurs à l’unité, lorsque l’économie est en récession, a fortiori si cette dernière s’accompagne d’un effondrement du crédit. En effet, la consommation des ménages dépend alors davantage du revenu courant que du revenu futur, tandis que l’investissement dépend davantage des profits courants que des profits futurs, si bien que la consommation et l’investissement deviennent particulièrement sensibles aux évolutions de la politique budgétaire.

Plusieurs études ont cherché à évaluer les répercussions des dépenses publiques sur l’activité économique lorsque les taux d’intérêt nominaux butent sur leur borne inférieure zéro. Ces études suggèrent que la taille des multiplicateurs budgétaires est élevée dans une telle situation : par exemple, Lawrence Christiano, Martin Eichenbaum et Sergio Rebelo (2011), Gauti Eggertsson (2011) et Michael Woodford (2011) estiment qu’elle est alors substantiellement supérieure à l’unité. Les plans de relance amènent les agents  à réviser leurs anticipations d’inflation à la hausse. Puisque les taux d’intérêt nominaux butent sur leur borne inférieure zéro, les taux d’intérêt réels diminuent, ce qui stimule la demande globale. Les anticipations d’inflation sont de nouveau révisées à la baisse et les taux d’intérêt réels diminuent davantage. Bref, non seulement la relance budgétaire est particulièrement efficace dans une trappe à liquidité, mais elle est aussi en l’occurrence le moyen le plus efficace pour sortir l’économie de cette dernière.

Vincent Belinga et Constant Lonkeng Ngouana (2015) ont estimé le multiplicateur des dépenses budgétaires aux Etats-Unis au cours du cycle de politique monétaire. Quelques études avaient auparavant cherché à évaluer l’impact de la politique budgétaire en contrôlant le niveau des taux d’intérêt. Belinga et Lonkeng Ngouana estiment que le niveau des taux d’intérêt ne suffit toutefois pas pour déterminer l’orientation de la politique monétaire : il faut prendre en compte les conditions macroéconomiques qui sont en vigueur. En effet, lorsque le taux d’intérêt est faible, la politique monétaire peut être considérée comme accommodante en temps normal, mais restrictive si l’économie connait une profonde récession et si les anticipations sont bien ancrées. Réciproquement, la politique monétaire n’est pas forcément négative si le taux d’intérêt est élevé alors même que l’économie est en surchauffe. 

En appliquant la méthode des projections locales aux données américaines trimestrielles, Belinga et Lonkeng Ngouana réalisent tout d’abord leurs estimations en observant la période comprise entre le quatrième trimestre 1965 et le quatrième trimestre 2008. Ils constatent que la réaction de la production dépend effectivement de l’orientation de la politique monétaire : la production s’accroît fortement suite à un choc de dépenses publiques lorsque la politique monétaire est accommodante ; elle diminue suite à un tel choc lorsque la politique monétaire n’est pas accommodante. En l’occurrence, la production augmente de 2,5 dollars un an après pour tout dollar dépensé par le gouvernement fédéral lorsque la politique monétaire est accommodante, mais elle chute de 1,6 dollar lorsque la politique monétaire n’est pas accommodante. Belinga et Constant Lonkeng Ngouana se penchent ensuite sur la réaction de la consommation privée face à une hausse surprise des dépenses du gouvernement fédéral. Lorsque la politique monétaire est accommodante, le choc budgétaire stimule fortement et de façon durable la consommation ; lorsque la politique monétaire est pas accommodante, le choc budgétaire évince légèrement la consommation.

Lorsque Belinga et Constant Lonkeng Ngouana étendent leur échantillon pour inclure la période comprise entre le quatrième trimestre 2008 et le quatrième trimestre 2012, ils constatent que le multiplicateur des dépenses publiques est plus faible. Bien qu’il soit toujours plus élevé par rapport au cas où la politique monétaire n’est pas accommodante, le multiplicateur budgétaire associé à une politique monétaire accommodante est plus faible sur l’échantillon recouvrant le récent épisode de borne inférieure zéro. Ce résultat est cohérent avec l’idée qu’une borne inférieure contraignante réduit la taille du multiplicateur en entretenant la faible confiance des agents. Belinga et Constant Lonkeng Ngouana constatent également que les dépenses du gouvernement fédéral sont fortement efficaces en période d’insuffisance de la demande globale si la politique monétaire est accommodante, mais qu’elles nuisent à l’activité dans le cas contraire.

 

Références

BELINGA, Vincent, & Constant LONKENG NGOUANA (2015), « (Not) dancing together: Monetary policy stance and the government spending multiplier », FMI, working paper.

CHRISTIANO, Lawrence, Martin EICHENBAUM & Sergio REBELO (2011), « When is the government spending multiplier large? », in Journal of Political Economy, vol. 119, n° 1.

EGGERTSSON, Gauti (2011), « What fiscal policy is effective at zero interest rates? », in NBER Macroeconomic Annual 2010, vol. 25.

WOODFORD, Michael (2011), « Simple analytics of the government expenditure multiplier », in American Economic Journal: Macroeconomics, vol. 3, n° 1.

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