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6 juillet 2015 1 06 /07 /juillet /2015 22:59

La forte croissance que la Chine a connue ces trois dernières décennies a été particulièrement intensive en matières premières. En effet, en 2011, la Chine était à l'origine de 11 % de la consommation mondiale de pétrole, de 41 % de la consommation mondiale de cuivre et de 54 % de la consommation mondiale de fer. Les niveaux élevés d’investissement et l’urbanisation rapide ont fortement stimulé la demande chinoise de métaux. Par conséquent, la forte croissance chinoise a contribué à la hausse des prix du pétrole et plus largement à un véritable « supercycle » des prix des matières premières au cours de la dernière décennie. Cela a directement stimulé l’activité dans les pays exportateurs nets de matières premières, notamment ceux d’Amérique latine, d’Afrique subsaharienne, d’anciennes républiques soviétiques et du Moyen-Orient. Par contre, la hausse du prix des matières premières à pu peser sur l’activité économique des pays qui en sont des importateurs nets.

Or, malgré un rebond lors de la reprise consécutive à la Grande Récession, la croissance chinoise ralentit depuis le début de l’année 2011. L’économie chinoise a peut-être réorienté son modèle de croissance en réduisant sa dépendance vis-à-vis de la demande extérieure, mais elle se caractérise par de nombreux déséquilibres, notamment un surinvestissement, la constitution de capacités excédentaires, une envolée de l’endettement privé et certainement la formation d’une bulle immobilière. Si la majorité des prévisionnistes privilégient le scénario d’un atterrissage en douceur (soft landing) de l’économie chinoise, beaucoup n’écartent pas le scénario d’un atterrissage brutal (hard landing), marqué par une croissance durablement faible et par un effondrement de l’investissement. L'actuel krach boursier rend encore plus crédible ce second scénario.

Or, au fur et à mesure que la Chine prend une place toujours plus importante au sein de l'économie mondiale, cette dernière devient de plus en plus sensible à ses dynamiques domestiques. Ashvin Ahuja et Malhar Nabar ont ainsi observé les possibles répercussions mondiales d’un ralentissement de l’investissement chinois. Leur analyse suggère qu’une baisse d’un point de pourcentage de l’investissement en Chine se traduit par une réduction de la croissance mondiale de moins de 0,1 point de pourcentage. De leur côté, Ashvin Ahuja et Alla Myrvoda (2012) ont cherché à déterminer l’impact d’un effondrement de l’investissement immobilier de la Chine sur ses partenaires à l’échange. Ils ont constaté qu’une baisse de 1 % de l’investissement immobilier chinois entraînerait une baisse de 0,1 % du PIB domestique la première année et une baisse de 0,05 % de la production mondiale. Le Japon, la Corée du Sud et l’Allemagne seraient les économies qui en seraient les plus affectées.

Dans un récent document de travail de la Banque de France, Ludovic Gauvin et Cyril Rebillard (2015) ont cherché à évaluer quel serait l’impact d’un atterrissage brutal de l’économie chinoise sur le reste du monde en se focalisant plus étroitement sur les canaux des échanges internationaux et des prix des matières premières. En l’occurrence, ils utilisent un modèle vectoriel autorégressif (VAR) pour observer les répercussions d'un ralentissement marqué de la croissance chinoise à 3 % et de la stagnation de l’investissement chinois. Ils s’appuient sur un échantillon de 36 pays avancés et en développement, composés aussi bien de pays exportateurs qu’importateurs de matières premières, représentant ensemble 88 % de l’économie mondiale. 

Gauvin et Rebillard constatent un impact significatif de l’atterrissage brutal sur les prix du pétrole et un impact encore plus important sur les prix des métaux. Ils identifient cinq canaux à travers lesquels les exportateurs de matières premières peuvent être affectés. Premièrement, une baisse des prix de matières premières réduirait la valeur des exportations, effriterait les recettes budgétaires et comprimerait au final le revenu national. Deuxièmement, les volumes d’exportations déclineraient également. Gauvin et Rebillard estiment toutefois que cet impact est moins important pour les exportateurs de matières premières que pour les voisins immédiats de la Chine. Troisièmement, l’investissement se détériorait, en raison des moindres incitations à investir dans le secteur extracteur de ressources naturelles et en raison du déclin des investissements publics associé au tarissement des recettes fiscales. Quatrièmement, les relations commerciales indirectes joueraient également un rôle via les effets de proximité. Par exemple, alors que chaque pays latino-américain a tendance à être un exportateur net de matières premières, ses propres voisins ont également tendance à être également des exportateurs nets de matières premières, si bien qu’un effet cumulé devrait s’exercer sur l’ensemble de la région. Enfin, le taux de change réel peut agir comme tampon dans certains pays exportateurs de matières premières. A l’inverse, les pays dont les taux de change sont ancrés au dollar américain soufreraient de son appréciation réelle.

Les régions les plus affectées par un atterrissage brutal de la Chine sont les régions qui sont soit géographiquement proches de la Chine et fortement intégrées avec celle-ci, soit qui constituent de grands exportateurs de matières premières. Par exemple les pays de l’ASEAN connaissent une perte cumulée équivalente à 9,4 % de leur PIB et les pays d’Amérique latine connaîtraient une perte cumulée équivalente à 7,5 % de leur PIB. Les pays avancés seront par contre moins affectés : après cinq ans, leurs pertes cumulées s’élèveraient à 2,8 % du PIB. En effet, ils sont essentiellement des importateurs nets de matières premières et ils commercent essentiellement entre eux. Par conséquent, l’écart de croissance entre les pays avancés et les pays en développement devrait diminuer et passer de 6 points de pourcentage (en moyenne entre 2007 et 2009) à moins d’un point de pourcentage, si bien que Gauvin et Rebillard parlent alors d’un « recouplage partiel ». Les deux auteurs offrent ainsi une explication au découplage observé dans les années deux mille entre les économies avancées et les économies en développement.

 

Références

AHUJA, Ashvin, & Alla MYRVODA (2012), « The spillover effects of a downturn in China’s real estate investment », FMI, working paper, n° 266, novembre.

AHUJA, Ashvin, & Malhar NABAR (2012), « Investment-led growth in China: global spillovers », FMI, working paper, n° 267, novembre.

GAUVIN, Ludovic, & Cyril REBILLARD (2015), « Towards recoupling? Assessing the global impact of a Chinese hard landing through trade and commodity price channels », Banque de France, working paper, n° 562, juin.

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