La crise financière mondiale s’est traduite par une chute de l’offre et de la demande de crédit : avec l’effondrement de la demande globale, les entreprises se sont montrées moins enclines à emprunter, tandis que les banques se sont montrées de leur côté moins désireuses de prêter, si bien que si certaines entreprises ont cherché à contracter un emprunt, les banques ont pu tout de même refuser de le leur accorder. Ce resserrement du crédit a notamment pris la forme d’une hausse des coûts d’emprunt et d’un resserrement des critères de crédit.
Cette dégradation des conditions de financement a aggravé les conditions macroéconomiques à court terme. Face à un effondrement de la demande globale, les entreprises réduisent mécaniquement leur production et leurs dépenses d’investissement, accentuant ainsi la chute initiale de la demande. Puisque la récession fut synchrone à une crise financière, l’effondrement du crédit a contribué à accentuer la contraction de l’activité. Aujourd’hui, la faiblesse du crédit bancaire contraint la reprise de l’activité. Cela explique notamment pourquoi les récessions tendent à être plus sévères suite à une crise financière et pourquoi celles-ci tendent à être suivies par de plus lentes reprises de l’activité. La dégradation des conditions de financement a également des répercussions sur la croissance à long terme via les effets d’hystérèse : puisque les entreprises réduisent leurs dépenses d’investissement lors des récessions, les capacités de production se dégradent et le potentiel d’innovation se détériore, réduisant par là même le niveau de production potentielle. Bref, la fragilité du secteur bancaire contribue à ce que la production ne revienne pas sur sa trajectoire d’avant-crise et à ce que l’économie ne parvienne à effacer les pertes associées à la crise.
Le resserrement des conditions de financement est susceptible d’avoir un plus grand impact sur les entreprises les plus dépendantes du financement externe, en particulier les petites et moyennes entreprises (PME), alors que les grandes entreprises ont plus de facilité à se financer sur les marchés et à conserver la confiance des banquiers. En l’occurrence, la crise financière mondiale est susceptible d’avoir particulièrement affecté les PME de l’Union européenne, puisque les turbulences bancaires ont été particulièrement vives dans les pays-membres et que les gouvernements européens ont très rapidement opté pour l’austérité budgétaire, faisant de nouveau basculer les économies dans la récession en 2011 en dégradant la demande globale. C’est notamment à cause de la fragilité persistante des banques que la zone euro est susceptible de connaître la même « décennie perdue » que le Japon.
Nir Klein (2014) a cherché à déterminer comment le resserrement des conditions financières auquel les PME européennes ont fait face a pu affecter la reprise subséquente de l’activité économique. Il rappelle que les PME représentent 99 % du nombre total d’entreprises dans l’Union européenne. Elles représentent respectivement 58 % et 66 % de la valeur ajoutée et de l’emploi dans le secteur des entreprises non financières. Même si l’emploi des PME a mieux résisté à la crise entre 2009 et 2011 que l’emploi des grandes entreprises, la valeur ajoutée des premières s’est davantage contractée que celle des secondes. En 2012, l’emploi et la valeur ajoutée des PME étaient respectivement inférieurs de 2 % et de 10 % à leurs valeurs d’avant-crise. Mis à part en Allemagne, où les PME ont vu une hausse de leurs niveaux de valeur ajoutée et d’emploi par rapport à 2008, les PME du reste de l’Union européenne font toujours face à de fortes turbulences. Les comparaisons entre pays européens suggèrent une forte corrélation entre les variations de la valeur ajoutée et de l’emploi. Cependant, la perte en valeur ajoutée semble plus importante que les destructions d’emplois, ce qui est cohérent avec l’idée d’une baisse de la productivité du travail et suggère un déclin du stock de capital détenu par les PME en raison du sous-investissement.
Klein met en évidence une corrélation négative entre le rythme de la reprise et l’importance relative des PME parmi l’ensemble des entreprises. En moyenne, les pays ayant une part importante de PME ont connu une plus faible croissance de la production entre 2009 et 2012 que les pays ayant une faible part de PME. L’effondrement du crédit auquel firent face les PME a un effet négatif sur l’activité économique et cet impact est plus important dans les pays ayant un plus grand secteur des PME. Non seulement cette étude rappelle que les PME contribuent fortement à l’activité économique en Europe, mais elle suggère également que l’allègement des contraintes de crédit pesant sur les PME est susceptible d’accélérer la reprise de l’activité économique.
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