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29 novembre 2013 5 29 /11 /novembre /2013 22:20

Ces dernières décennies, plusieurs gouvernements ont été incités à subventionner les entreprises domestiques. Leurs politiques industrielles ont parfois précisément visé à faire émerger des champions nationaux. Au cours de la Grande Récession, les gouvernements des deux côtés de l’Atlantique ont subventionné certains secteurs industriels comme la construction automobile. L’impact exact des subventions reste toutefois indéterminé. D’un côté, de telles politiques industrielles peuvent encourager les entreprises en place à réaliser de plus importants efforts d’investissements, notamment en recherche-développement, à accroître leur productivité et  à protéger l’emploi. D’un autre côté, elles peuvent au contraire désinciter les entreprises à innover et conduire à une mauvaise allocation des ressources, en subventionnant les entreprises peu efficaces et en étouffant le développement des entreprises innovantes. 

Daron Acemoglu, Ufuk Akcigit, Nicholas Bloom et William Kerr (2013) ont modélisé l’impact de ces subventions dans un cadre néo-schumpéterien en distinguant plus précisément entre les subventions aux opérations courantes et les subventions de la recherche-développement. Dans leur modèle, les entreprises innovent de façon à améliorer un continuum de produits, si bien qu’un processus continu de destruction créatrice est à l’œuvre : les entreprises en place innovent pour étendre leur gamme de produits, ce qui est susceptible de remettre en cause la place de meneur qu’une autre entreprise jouissait sur un marché donné. Les auteurs mettent également l’accent sur l’hétérogénéité des entreprises : certaines firmes (en particulier les nouvelles) sont plus productives dans l’activité d’innovation que d’autres (en l’occurrence les firmes en place). Et la capacité d’une entreprise à innover n’est pas forcément préservée au cours du temps ; les entreprises qui étaient initialement productives peuvent l’être de moins en moins au fur et à mesure qu’elles croissent en taille. 

Dans la logique néo-schumpéterienne, la concurrence joue un rôle crucial dans la dynamique du progrès technique : la croissance de la productivité est fortement et inversement corrélée avec le degré de concurrence sur le marché des biens et services, en particulier dans les économies au plus porche de la frontière technologique. La concurrence, même potentielle, inciterait les entreprises à innover pour acquérir ou maintenir une situation de monopole. Pour que le processus de destruction créatrice joue à plein, les entreprises doivent donc être libres d’entrer et de sortir du marché. Selon les auteurs, plus de 70 % de la croissance de la productivité américaine serait liée à la sortie des entreprises les moins productives et l’entrée d’entreprises plus productives.

Les firmes en place, peu productives, utilisent inefficacement les ressources en recherche-développement, notamment la main-d’œuvre qualifiée. Or ce sont précisément celles-ci qui captent plus facilement les subventions publiques. Acemoglu et ses coauteurs se montrent ainsi très réticents à l'idée d'utiliser les politiques industrielles pour stimuler l'innovation. Les subventions accordées aux entreprises en place encouragent la survie et le développement d’entreprises peu productives. En appliquant leur modèle aux données américaines, ils concluent que les autorités publiques peuvent favoriser la croissance en réorientant l'allocation des ressources en recherche-développement au profit des nouvelles entreprises. La croissance est stimulée si l’opération continue des entreprises est taxée, tandis que la recherche-développement des nouvelles entreprises est subventionnée. La politique économique optimale consiste ainsi à encourager, d’une part, la sortie des entreprises peu productives et, d’autre part, l’entrée et l'activité de recherche-développement de nouvelles entreprises. 

 

Références

ACEMOGLU, Daron, Ufuk AKCIGIT, Nicholas BLOOM & William KERR (2013), « Innovation, reallocation and growth », Banque de Finlande, discussion paper, n° 22.

AGHION, Philippe, & Peter HOWITT (2010), L’Economie de la croissance, Economica.

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