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8 novembre 2014 6 08 /11 /novembre /2014 22:59

Les pays en développement peuvent connaître d’importantes entrées de capitaux relativement à la taille de leur économie. C’est en particulier le cas depuis la crise financière mondiale, car les taux de croissance et les taux d’intérêt sont particulièrement faibles dans les  pays avancés. Or, les entrées de capitaux peuvent se révéler être une puissante source d’instabilité financière, puisqu’elles stimulent le crédit domestique et entraînent une appréciation du taux de change. 

Leur gestion est toutefois complexe. En effet, les pays perdent l’autonomie de leur politique monétaire lorsqu’ils adoptent un régime de change fixe. Emmanuel Farhi et Iván Werning (2013) et Hélène Rey (2013) ont également montré que, même dans un contexte de taux de change flexible, les économies ne parviennent pas forcément à avoir une politique monétaire autonome. En effet, les mouvements de capitaux peuvent être soumis à de véritables cycles financiers mondiaux. Lors de la phase d’expansion d’un tel cycle, l’ensemble des pays tendent à connaître simultanément une hausse des entrées de capitaux, des ratios d’endettement et des prix d’actifs ; lors de la phase descendante du cycle financier mondial, ces mêmes variables décroissent, pénalisant alors fortement l’activité domestique. En l’occurrence, Rey montre que le cycle financier mondial tend à varier dans le sens inverse du VIX, un indice de volatilité couramment utilisé pour mesurer l’aversion au risque et l’incertitude sur les marchés financiers. Cet indice serait lui-même influencé par l’orientation de la politique monétaire américaine. En l’occurrence, l’assouplissement de la politique monétaire américaine réduit la volatilité des marchés, ce qui stimulerait l’endettement des investisseurs et les flux de capitaux à destination des pays émergents ; inversement, l’indice VIX est élevé et le cycle financier mondial amorce sa phase descendante lorsque la Fed resserre sa politique monétaire. Barry Eichengreen et Poonam Gupta (2014) ont montré qu’entre avril et août 2013, les pays caractérisés par les marchés financiers les plus larges et les plus liquides sont précisément ceux qui ont connu les plus fortes turbulences sur les marchés des changes et les marchés boursiers lorsque la Fed souleva l’éventualité d’un retrait (tapering) de ses achats d’actifs, un résultat qu’ils ont récemment retrouvé en se penchant sur le cas de l’Inde [Basu et alii, 2014].

Erlend Nier, Tahsin Saadi Sedik et Tomas Mondino (2014) ont cherché à déterminer l’impact du cycle financier mondial sur les flux bruts de capitaux privés en observant un large échantillon de pays émergents sur la période s’écoulant entre 2002 et 2012. Ils constatent que, d’un part, les différentiels de croissance que les pays émergents accusent vis-à-vis des pays du G4 (en l’occurrence les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la zone euro et le Japon) et, d’autre part, les conditions financières mondiales sont des déterminants clés des flux de capitaux privés à destination des pays émergents. Les différentiels de taux d’intérêt vis-à-vis des pays du G4 sont également un important déterminant des flux de capitaux, et ce en particulier au cours des dernières années. D’autres variables affectent également les flux de capitaux privés. Par exemple, les flux de capitaux sont d’autant plus larges que le pays récepteur est financièrement développé et d’autant plus faibles que le niveau de risque souverain est élevé.

L’impact de l’indice VIX sur les flux de capitaux semble non linéaire. Lorsque le VIX est faible, ses variations marginales n’ont pas d’impact significatif sur les flux de capitaux. Dans cette situation de faible volatilité financière, ce sont essentiellement les déterminants propres au pays qui façonnent les flux de capitaux. En temps normal, ce sont les pays qui présentent de robustes fondamentaux macroéconomiques (par exemple d’importants différentiels de croissance avec les pays du G4 et une faible dette publique) et un niveau de développement financier élevé qui attirent le plus les capitaux. En revanche, lorsque le VIX est élevé, ses variations marginales affectent fortement les flux de capitaux, tandis que la plupart des fondamentaux perdent leur pouvoir explicatif, à l’exception des différentiels de taux d’intérêt qui semblent davantage importer durant les périodes de turbulences financières. L’une des interprétations serait que, lorsque les investisseurs sont pris de panique, leur horizon se réduit et ils ne se préoccupent plus des potentiels de leurs placements à long terme.

D’une part, l’impact du VIX sur les flux de capitaux se trouve amplifié par le développement financier. Il est peu significatif lorsque le pays est financièrement peu développé, mais il s’accroît au fur et à mesure que le système financier se développe. D’autre part, l’impact du VIX sur les flux de capitaux s’accroît également avec le degré de mobilité des capitaux. Il est d’autant plus large que le pays récepteur a libéralisé son compte de capital. Il cesse d’être un déterminant des flux de capitaux que lorsque le pays a entièrement fermé son compte de capital. Enfin, d’importants différentiels de taux d’intérêt semblent atténuer les effets des cycles financiers mondiaux. L’effet du VIX diminue avec un creusement des différentiels de taux d’intérêt. 

Les pays émergents devraient voir leur système financier se développer au fur et à mesure que leur croissance se poursuivra, ce qui suggère qu’ils seront de plus en plus exposés aux cycles financiers mondiaux et qu’ils connaitront une tension croissante entre stabilisation macroéconomique et stabilité financière. Face à une fuite des capitaux, les pays peuvent maintenir des taux d’intérêt élevés ou les accroître pour tenter d’y mettre un terme, mais un tel resserrement monétaire risque d’endommager l’activité domestique et donc précisément d’affecter les fondamentaux économiques. Un contrôle des capitaux ne permet pas de protéger les pays du cycle financier mondial s’il n’est maintenu que temporairement. En fait, les pays ne peuvent pleinement se protéger des chocs financiers mondiaux, à moins que le système financier mondial soit fragmenté.


Références

BASU, Kaushik, Barry EICHENGREEN & Poonam GUPTA (2014), « From tapering to tightening. The impact of the Fed’s exit on India », Banque Mondiale, policy research working paper, n° 7071. 

BRUNO, Valentina, & Hyun Song SHIN (2013), « Capital flows and the risk-taking channel of monetary policy », National Bureau of Economic Research, working paper, n° 18942.

EICHENGREEN, Barry, & Poonam GUPTA (2013), « Tapering talk: The impact of expectations of reduced Federal Reserve security purchases on emerging markets », Banque Mondiale, policy research working paper, n° 6754.

FARHI, Emmanuel, & Iván WERNING (2013), « Dilemma not trilemma? Capital controls and exchange rates with volatile capital flows », document de travail présenté à la conférence Jacques Polak du Fonds Monétaire International.

NIER, Erlend, Tahsin Saadi SEDIK, & Tomas MONDINO (2014), « Gross private capital flows to emerging markets: Can the global financial cycle be tamed? », Fonds Monétaire International, working paper, n° 14/196, octobre.

REY, Hélène (2013), « Dilemma not trilemma: The global financial cycle and monetary policy independence », document de travail présenté à la conférence de Jackson Hole, 22-24 août. 

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