Emmanuel Saez a actualisé ses données pour son article retraçant l’évolution des inégalités de revenu aux Etats-Unis (« Striking it Richer: The Evolution of Top Incomes in the United States ») en intégrant les estimations pour les années 2009 et 2010. Le revenu réel moyen par famille a diminué avec la Grande Récession de 17,4 % entre 2007 et 2009. Le revenu réel moyen du centile supérieur (c'est-à-dire du 1% des ménages ayant les plus hauts revenus) a diminué plus rapidement, soit de 36,3 %. La part du revenu national détenu par le centile supérieur a par conséquent diminué de 23,5 % à 18,1 %. L’effondrement boursier, en réduisant les possibilités de réaliser de gains de capital, explique l’essentiel de la chute des hauts revenus. En outre, le revenu moyen du reste de la population a diminué de 11,6 % ; celle-ci a donc vu fondre les hausses de revenus qu’elle avait obtenues entre 2002 et 2007.
Avec la reprise économique, le revenu réel moyen par famille augmente globalement de 2,3 % en 2010, mais ces gains sont très inégalement répartis, puisque le centile supérieur voit son revenu réel moyen augmenter de 11,6 % alors que celui du reste de la population n’augmente que de 0,2 %. La reprise soutenue du marché boursier, marquée par une forte hausse des profits et des dividendes versés, dans un contexte de chômage et de hausses salariales réduites, laisse envisager une nouvelle répartition fortement inégalitaire des hausses de revenus en 2011.
Au final, les hauts revenus n’ont connu qu’une baisse temporaire de leur part du revenu national. Lorsque l'on exclut les gains en capital de l'analyse, la part du revenu versée au décile supérieur, estimée à 46,3 %, est supérieure à celle qui lui a été versée en 2007. L’accroissement des inégalités de revenus aux Etats-Unis semble ainsi se poursuivre après l’épisode de la Grande Récession.
source : Saez (2012)
Les évolutions historiques des inégalités aux Etats-Unis décrivent une courbe en U. La part du revenu détenue par le décile supérieur se maintenait aux alentours de 45 % entre le milieu des années vingt et 1940. La Seconde Guerre mondiale marque un brutal déclin de cette part et celle-ci se stabilise autour de 33 % dans les années soixante-dix. La part du décile supérieur augmente depuis le début des années quatre-vingt et retrouve désormais ses hauts niveaux d’avant-guerre. En atteignant 49,7 % en 2007, elle est alors supérieure aux valeurs observées après 1917 et notamment celle de 1928, année où la bulle boursière des roaring twenties atteignit son expansion maximale.