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28 août 2014 4 28 /08 /août /2014 18:00

L’économie italienne est officiellement entrée en récession pour la troisième fois en six ans. D’après les estimations préliminaires, le PIB s’est contracté de 0,2 % au deuxième trimestre 2014, alors que les prévisionnistes s’attendaient à une hausse (bien modeste) de 0,1 %. Il s’agit de la plus mauvaise performance depuis 2000. Au cours du premier trimestre, le PIB avait déjà chuté de 0,1 %. Puisque la croissance a été négative sur deux trimestres successifs, la situation que traverse l’Italie est qualifiée de récession. Comme le note Jeffrey Frankel (2014), cette affirmation repose sur la définition de la récession telle qu’elle est utilisée en Europe. Mais il existe d’autres définitions. Selon celle qui est utilisée par le National Bureau of Economic Research aux Etats-Unis, la situation italienne serait considérée comme une récession unique longue de six ans.

GRAPHIQUE 1  PIB par tête italien (en dollars PPA 1990)

Emanuele-Felice--Giovanni-Vecchi--Italie-pib-par-tete.png

source : Emanuele Felice et Giovanni Vecchi (2012)

En effet, l’Italie a été sur une pente descendante depuis le choc de la crise mondiale en 2008. La reprise observée depuis 2010-2011 fut si timide que le niveau de la production avait à peine regagné le tiers de ses pertes lorsqu’un nouveau retournement est survenu en 2012. Le PIB italien reste 9,1 % sous le niveau qu’il atteignait à son pic d’avant-crise. Il est désormais à peine aussi élevé qu’en 2000, tandis que la production industrielle est en-deçà de ses niveaux des années quatre-vingt. Cette performance est même pire que celle du Japon qui était pourtant considéré comme « l’homme malade de l’économie mondiale » au cours des 25 dernières années [O’Brien, 2014]. Le gouvernement italien s’attend à ce que le taux de croissance annuel s’élève à 0,8 % cette année. Après l’annonce de l’entrée en récession, Moody’s prévoit que l’économie se contractera de 0,1 % et la Société Générale de 0,2%.  

GRAPHIQUE 2  PIB réel de l'Italie (en milliards de dollars)

Jeffrey-Frankel--Italie-pib-reel.png

source : Jeffrey Frankel (2014)

L’Italie connaît des problèmes du côté de l’offre. Pour Paolo Manasse (2013) comme pour d’autres économistes, l’incapacité du pays à renouer avec la croissance est l’héritage de son échec pluridécennal à réformer les marchés du crédit, des produits et du travail : il est difficile de créer et de développer une entreprise, le manque de concurrence conduit à une captation des rentes nocive à l’activité, tandis que la réglementation excessive du travail désincite les entreprises à embaucher tout en désincitant les salariés à être efficaces. Le manque de réformes a étouffé l’innovation, la productivité et par conséquent la croissance de la production. Au cours des 13 dernières années, la productivité a augmenté de 20 % en Allemagne, alors qu’elle n’augmentait que de 2 % en Espagne [Manasse et Manfredi, 2014]. Les salaires italiens ont poursuivi leur progression, mais déconnectés de l’évolution de la productivité. Depuis 2000, ils ont davantage augmenté dans les secteurs où la productivité s’est le moins accrue, tandis qu’à court terme les emplois ont surtout été créés dans les secteurs où la productivité a le moins augmenté. Entre le premier trimestre 2001 et le dernier trimestre 2011, le coût unitaire du travail de l’Italie a augmenté de 23 points de pourcentage de plus que dans ses partenaires commerciaux [Manasse, 2013]. Cette hausse du coût du travail a détérioré la compétitivité des entreprises italiennes, ce qui a contribué à dégrader les performances commerciales du pays. 

Toujours à l’instar de d’autres pays européens, l’Italie rencontre également de sérieux problèmes de demande. Les politiques structurelles pourraient éventuellement stimuler la croissance à long terme, mais elles affaiblissent à court terme la demande globale, si bien que les institutions internationales (comme le FMI ou l’OCDE) préconisent qu’elles s’accompagnent d’un assouplissement des politiques conjoncturelles. Si la récession s’explique effectivement par la faiblesse de la demande, les réformes structurelles sont susceptibles de la prolonger et de l’approfondir ; la déréglementation du marché du travail est susceptible d’aggraver le chômage. En outre, depuis 2010, la zone euro demande aux pays-membres de réduire leurs déficits budgétaires, c’est-à-dire soit de réduire les dépenses publiques, soit d’accroître les impôts. Qu’elle prenne l’une ou l’autre de ces formes (ou une combinaison des deux), la consolidation budgétaire déprime la demande globale, alors même que celle-ci est déjà insuffisante pour assurer le plein emploi. Comme les autres pays-membres resserrent également leur politique budgétaire et voient leur activité économique stagner, la récession se généralise et s’auto-entretient via le canal de commerce international. 

Le resserrement de la politique budgétaire en période d’atonie de l’activité conduit non pas à diminuer le ratio dette publique sur PIB, mais à l’augmenter. La dette publique représentait 135,6 % du PIB au premier trimestre, alors qu’elle représentait 130,2 % du PIB une année plus tôt [Evans-Pritchard, 2014]. Elle pourrait atteindre 140 % d’ici la fin de l’année. Comme plusieurs pays européens, l’Italie se trouve prise au piège d’un véritable cercle vicieux : parce que le gouvernement a mis en œuvre un plan d’austérité au cœur d’une récession, l’activité économique s’en trouve pénalisée, les recettes fiscales se tarissent et le déficit public se creuse, ce qui incite le gouvernement à poursuivre l’austérité afin d’équilibrer les finances publiques. La faiblesse de l’inflation, voire l’éventuel basculement dans la déflation, compliquent le désendettement public en accroissant la valeur réelle de la dette. La tâche est impossible. Une étude réalisée par le think-tank Bruegel suggère que l’Italie doit générer un excédent primaire représentant 5 % du PIB pour stabiliser la dette publique lorsque l’inflation s’élève quant à elle à 2 % ; ce chiffre s’élève à 7,8 % pour une inflation nulle [Evans-Pritchard, 2014]. La poursuite d’un tel objectif est vouée à l’échec puisqu’il enferme l’économie italienne dans la stagnation et amène le ratio d’endettement sur une trajectoire explosive. Elle apparaît d’autant plus vaine que Barry Eichengreen et Ugo Panizza (2014) ont montré que des excédents primaires aussi larges et persistants se sont révélés rares au cours de l’histoire.

Les eurosceptiques ne manquent pas de rappeler que le désastre long de 14 ans coïncide avec l’entrée dans l’union économique et monétaire (UEM) [Evans-Pritchard, 2014]. Avant l’adoption de la monnaie unique, l’Italie entretenait des excédents commerciaux avec l’Allemagne. En 1996, elle ancra la lire sur le deutschemark en 1996 en vue d’entrer dans l’union économique et monétaire. Or, à chaque fois que l’Italie a ancré sa monnaie sur la devise allemande au cours des quatre dernières décennies, elle a connu un ralentissement de la productivité et une détérioration de sa compétitivité ; elle ne restaurait cette dernière qu’en procédant à une dévaluation, une option indisponible avec l’adoption de la monnaie unique. L’économie allemande a par contre profité de l’UEM pour mettre en œuvre une désinflation compétitive, participant à dégrader la compétitivité des pays périphérique de la zone euro, puis imposant à ces derniers de supporter l’ajustement après la crise mondiale. En comprimant sa demande intérieure et en refusant d’assouplir sa politique budgétaire, l’Allemagne génère des pressions déflationnistes sur le reste de la zone euro. Si l’Italie avait gardé sa propre monnaie, elle aurait pu jouer sur son taux de change pour stimuler la demande extérieure et par là même l’activité domestique ; réciproquement, l’appartenance à la zone euro l’empêche d’utiliser cet instrument. Paolo Manasse, Tommaso Nannicini et Alessandro Saia (2014) ont cherché à récuser les arguments eurosceptiques. Selon leur analyse contrefactuelle, l’euro aurait stimulé les échanges, diminué les taux d’intérêt et l’inflation en Italie, mais il n’aurait eu qu’un faible impact négatif sur les revenus par habitant.

Quelles sont les bonnes politiques que l’Italie et les autres pays-membres devraient adopter pour renouer avec la croissance? Pour Frankel, les gouvernements des pays en difficulté, qu’il s’agisse aussi bien de l’Italie que du Portugal ou de la Grèce, doivent mettre en œuvre des réformes structurelles, en particulier sur le marché du travail. Celles-ci sont peut-être susceptibles de stimuler la croissance potentielle, mais elles ont à court terme de puissantes répercussions sur la demande globale. Elles doivent donc être accompagnées, au niveau européen par des politiques de relance. Il peut s’agir d’une relance de la consommation en Allemagne et de l’adoption de mesures de politique monétaire « non conventionnelles » par la BCE. L’unification monétaire rend plus nécessaire la mise en œuvre d’un ajustement plus symétrique entre les pays-membres. Le maintien de politiques budgétaires restrictives à l’échelle européenne rend alors plus attrayante l’abandon de la monnaie unique.

 

Références

EICHENGREEN, Barry, & Ugo PANIZZA (2014), « A surplus of ambition: Can Europe rely on large primary surpluses to solve its debt problem? », National Bureau of Economic Research, working paper, n° 20316, juillet.

EVANS-PRITCHARD, Ambrose (2014), « Italy's Renzi must bring back the lira to end depression », in The Telegraph, 13 août.

FRANKEL, Jeffrey (2014), « Italian growth: New recession or six-year decline? », in VoxEU.org, 11 août.

MANASSE, Paolo (2013), « The roots of the Italian stagnation », in VoxEU.org, 19 juin.

MANASSE, Paolo, & Thomas MANFREDI (2014), « Wages, productivity, and employment in Italy: Tales from a distorted labour market », in VoxEU.org, 19 avril.

MANASSE, Paolo, Tommaso NANNICINI & Alessandro SAIA (2014), « Italy and the euro: Myths and realities », in VoxEU.org, 24 mai.

O'BRIEN, Matt (2014), « Italy’s triple-dip recession has wiped out all its growth since 2000 », 7 août.

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28 juillet 2014 1 28 /07 /juillet /2014 18:43

Les études se sont souvent penchées sur l’impact des variables macroéconomiques sur les élections ; elles ont par exemple suggéré qu’une forte croissance tend à conforter le gouvernement en place. Par contre, il y a moins d’études sur le sens de causalité inverse, c’est-à-dire sur l’impact des résultats des élections sur les agrégats macroéconomiques.

Alan Blinder et Mark Watson (2014) sont revenus sur un résultat bien connu, mais peu documenté : durant l’après-guerre, l’économie américaine a connu une plus forte croissance économique lorsque le Président est démocrate plutôt que républicain, en l’occurrence une croissance supérieure de 1,8 point de pourcentage en moyenne, alors même que le taux de croissance moyen s’est élevé à 3,3 % sur la période. Elle génère également davantage d’emplois, réduit davantage le taux de chômage, accroît les profits des entreprises et leurs dépenses d’investissement et se traduit par de meilleurs rendements sur les marchés boursiers.

GRAPHIQUE  Taux de croissance annuel moyen lors des différents mandats présidentiels (en %)

Blinder--croissance-democrates-republicains-Etats-Unis.png

source : Blinder et Watson (2014)

Blinder et Watson ont également observé l’impact de la nature partisane du gouvernement sur les performances macroéconomiques des autres pays avancés d’après-guerre. Si le taux de croissance moyen a également été plus élevé lorsqu’un parti de gauche était au pouvoir dans le cas du Canada, c’est au contraire lorsqu’un parti de droite était au pouvoir dans le cas du Royaume-Uni ou de l’Allemagne. Les auteurs ont également observé l’effet des mandats présidentiels sur la croissance Française depuis 1949. Sur les 253 trimestres qui se sont déroulés depuis, le taux de croissance du PIB s’élevait en moyenne à 3,19 % lors des 96 trimestres au cours desquels le gouvernement était de gauche, tandis qu’il s’élevait en moyenne de 3,42 % au cours des 157 trimestres où le gouvernement était de droite. 

Blinder et Watson se sont alors demandés pourquoi la croissance a été plus élevée aux Etats-Unis lorsque les démocrates étaient au pouvoir. Du point de vue des dépenses, l’écart de croissance vient de l’investissement des entreprises et les dépenses en biens durables ; il apparaît en l’occurrence principalement lors de la première année du mandat présidentiel. La plus forte croissance n’est pas attribuable à de meilleures conditions initiales, ni à des taux de croissance différents, ni même à un regain de confiance suite à l’élection d’un Président démocrate. L’écart de croissance ne semble pas non plus s’expliquer par des choix de politique macroéconomique : ce n’est pas parce que la politique monétaire ou la politique budgétaire sont plus accommodantes sous les démocrates que la croissance a été plus forte. En fait, l’analyse économétrique réalisée par Blinder et Watson suggère plutôt que l’explication est à chercher du côté de la chance : lorsque les démocrates sont au pouvoir, les chocs pétroliers sont plus bénins, la performance de la productivité totale des facteurs plus forte, l’environnement international plus favorable et les anticipations des consommateurs plus optimistes concernant l’avenir à court terme.

 

Référence

BLINDER, Alan S., & Mark W. WATSON (2014), « Presidents and the U.S. economy: An econometric exploration », National Bureau of Economic Research, working paper, n° 20324, juillet.

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8 juillet 2014 2 08 /07 /juillet /2014 16:00

Plusieurs études ont analysé la précision des prévisions de croissance économique à court terme. Par exemple, Allan Timmermann (2006) s’est penché sur les prévisions de croissance du PIB réel que fournit régulièrement le FMI au travers de ses Perspectives de l’économie mondiale (World Economic Outlooks). Il constate tout d’abord que celles-ci sont systématiquement optimistes. De plus, c’est en particulier lorsqu’elles sont réalisées lors d’une récession que les prévisions tendent à être excessivement optimistes [FMI, 2014]. Jeffrey Frankel (2011) a étudié les prévisions de taux de croissance et de soldes budgétaires par les agences gouvernementales de 33 pays. Celles-ci se caractérisent également par un large biais positif, mais celui-ci serait plus important lors des booms. Timmermann, Frankel et bien d’autres suggèrent en outre que le biais d’optimisme est d’autant plus important que l’horizon temporel sur lequel porte la prévision est éloigné. 

Giang Ho et Paolo Mauro (2014) ont cherché à évaluer le biais d’optimisme dans les prévisions de croissance à long terme. Pour cela, ils se sont penchés sur les prévisions réalisées conjointement par le FMI et la Banque mondiale allant jusqu’à vingt ans. Ils constatent que les prévisions sont optimistes non seulement pour les économies dont les taux de croissance ont été récemment supérieurs aux moyennes passées, mais également pour celles dont les taux de croissance ont été récemment inférieurs aux moyennes passées. En l’occurrence, les prévisionnistes tendent à surestimer la persistance des taux de croissance élevés en se focalisant sur la plus récente période. Inversement, pour les pays qui ont connu une croissance faible, voire négative, les prévisionnistes ne considèrent pas que la croissance va simplement revenir à sa moyenne, mais bien qu’elle va dépasser celle-ci. Ho et Mauro notent également que le biais d’optimisme s’accroît avec l’allongement des horizons de prévision.

Les économistes prévoient souvent une forte croissance économique à moyen et long terme pour les pays qui ont précisément connu une forte croissance au cours des récentes années. Pourtant, William Easterly, Michael Kremer, Lant Pritchett et Lawrence Summers (1993) ont montré que les taux de croissance économique d’un pays au cours d’une décennie donné sont faiblement corrélés avec ceux observés lors de la précédente décennie. Vingt ans plus tard, Pritchett et Summers (2013) se sont également penchés sur les prévisions que le FMI offre dans ses Perspectives de l’économie mondiale. Selon eux, la faible persistance des taux de croissance est le plus robuste constat empirique que l’on peut avoir à propos de la croissance économique. Ensuite, la croissance économique n’est pas du tout caractérisée par des fluctuations de cycle d’affaires autour d’une moyenne relativement stable, en particulier pour les pays qui n’appartiennent pas à l’OCDE. Les épisodes de croissance fortement rapide tendent à être de courte durée et se soldent par un retour des taux de croissance vers les moyennes mondiales. Pritchett et Summers concluent notamment de leur analyse que les prévisions de croissance à moyen et long termes de la Chine et de l’Inde disponibles lors de leur étude sont excessivement optimistes.

De leur côté, Hites Ahir et Prakash Loungani (2014) ont cherché à évaluer la capacité des économistes à prévoir les récessions, notamment la Grande Récession. Pour cela, ils se sont penchés sur les prévisions du Consensus Forecasts qui compile pour chaque pays les prévisions du PIB réel de nombreux analystes économiques proéminents. Entre 2008 et 2012, il y eu au total 88 récessions. 62 récessions ont eu lieu entre 2008 et 2009, mais aucune d’entre elles ne fut prévue à la clôture de l’année précédente. Les récessions qui se sont produites entre 2011 et 2012 ont également pris les prévisionnistes par surprise.

Ahir et Loungani concluent de leur analyse que les prévisionnistes ont une capacité limitée pour prédire les points de retournement. En outre, réduire l’horizon de prévision n’améliore par significativement la capacité des économistes à prévoir les points de retournement. Ensuite, les résultats ne changent pas lorsque les auteurs utilisent une définition plus précise des récessions qui serait basée sur les données trimestrielles. De plus, les prévisionnistes n’ont pas seulement échoué à prédire la Grande Récession ; ils ont également échoué à prédire les précédentes récessions. Enfin, les institutions publiques et les agences internationales comme le FMI et l’OCDE ne sont pas significativement meilleures dans leurs prévisions que les organisations privées. 

Pour expliquer ces difficultés de prévision, Ahir et Loungani rejettent l’idée selon laquelle les prévisionnistes n’actualiseraient pas suffisamment souvent leurs prévisions pour anticiper une récession. Elles ne sont tout simplement pas suffisamment révisées à la baisse. Les auteurs avancent alors trois types de raisons pour expliquer ce biais à la hausse. Premièrement, les prévisionnistes peuvent ne pas disposer suffisamment d’informations ou bien ils utilisent des modèles économiques qui ne sont pas suffisamment pertinents. En outre, les récessions sont générées par des chocs, telles que les crises politiques, qu’il est difficile d’anticiper. Deuxièmement, les prévisionnistes pourraient ne pas être incités à anticiper une récession. Ils subiraient des coûts importants, notamment en termes de réputation, s’ils anticipaient à tort une récession, alors qu’ils tireraient peu de bénéficies s’ils anticipaient correctement une récession. Troisièmement, Ahir et Loungani suggèrent des raisons proprement comportementales : les prévisionnistes pourraient avoir tendance à s’en tenir à leurs prévisions et ne les réviserait que lentement et insuffisamment en réponse aux nouvelles informations.

Ces divers résultats expliquent en partie les déficits budgétaires excessifs et l’incapacité des gouvernements à générer des excédents budgétaires lors des périodes d’expansion soutenue de l’activité. En surestimant la croissance future du PIB, les prévisionnistes surestiment le solde budgétaire et donc sous-estiment le ratio dette publique sur PIB. Les gouvernements eux-mêmes se basent sur leurs propres prévisions de croissance pour établir leur Budget. Si la croissance effective du PIB s’avère au final inférieure à la croissance anticipée, les recettes sont moindres que celles attendues. L’accroissement du ratio d’endettement public sera alors d’autant plus marqué que le sera le ralentissement de la croissance. S’ils craignent que la dette publique suive une trajectoire insoutenable, les gouvernements sont alors incités à resserrer leur politique budgétaire pour stabiliser leurs finances publiques. Or les prévisionnistes peuvent mal évaluer les répercussions de la consolidation budgétaire sur l’activité économique : si l’économie connaît une récession, le multiplicateur budgétaire est susceptible d’être élevé, en particulier si les taux d’intérêt butent sur leur borne inférieure zéro et si le système financier dysfonctionne. En supposant (erronément) que les multiplicateurs budgétaires sont aussi faibles qu’en période de croissance robuste, les prévisionnistes sous-estiment les répercussions que pourrait avoir un plan d’austérité mise en œuvre lors d’une récession. Les gouvernements ont ainsi sous-estimé l’efficacité des plans de relance et la nocivité des plans d’austérité lors de la Grande Récession, ce qui explique les erreurs dans les récentes prévisions de croissance et de trajectoire d’endettement public [Blanchard Leigh, 2013]

 

Références

AHIR, Hites, & Prakash LOUNGANI (2014), « "There will be growth in the spring": How well do economists predict turning points? », in VoxEU.org, 14 avril.

BLANCHARD, Olivier, & Daniel LEIGH (2014), « Growth forecast errors and fiscal multipliers », Fonds monétaire international, working paper, n° WP/13/1, janvier.

EASTERLY, William, Michael KREMER, Lant PRITCHETT, & Lawrence H. SUMMERS (1993), « Good policy or good luck? Country growth performance and temporary shocks », in Journal of Monetary Economics, vol. 32, n° 3.

FMI (2014), « IMF forecasts: Process, quality and country perspectives ».

FRANKEL, Jeffrey A. (2011), « Over-optimism in forecasts by official budget agencies and its implications », National Bureau of Economic Research, working paper, n° 17239, octobre.

HO, Giang, & Paolo MAURO (2014), « Growth: Now and forever? », Fonds monétaire international, working paper, n° WP/14/117, juillet.

PRITCHETT, Lant, & Lawrence H. SUMMERS (2013), « Asiaphoria meet regression to the mean », Université d’Harvard, working paper.

TIMMERMANN, Allan (2006), « An evaluation of the World Economic Outlook forecasts », Fonds monétaire international, working paper, n° WP/06/59, mars.

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