Les ratios dette publique sur PIB ont fortement augmenté dans le sillage de la crise financière mondiale, puis de la pandémie de Covid-19 (cf. graphique 1). En 2020, ils approchaient ainsi les 100 % au niveau mondial.
GRAPHIQUE 1 Dettes publiques (en % du PIB)
Par conséquent, beaucoup ont appelé à réduire les ratios d’endettement public. En effet, une crainte est qu’un niveau élevé de dette publique puisse freiner la croissance économique (cf. Fatás et alii, 2019, pour une revue de la littérature). Par exemple, elle pourrait réduire la marge de manœuvre pour assouplir la politique budgétaire en cas de récession ou, même en temps normal, entraîner un effet d’éviction sur l’investissement privé en augmentant le coût de financement des entreprises. D’autre part, beaucoup s’inquiètent aussi de la soutenabilité de la dette publique. Olivier Blanchard (2019) a noté que l’écart entre le taux d’intérêt sur les titres publics (r) et le taux de croissance du PIB (g) a été pour l’essentiel négatif ces dernières décennies pour les pays développés. Or, non seulement un niveau élevé de dette publique tend à accroître le différentiel r - g [Lian et alii, 2020], mais en outre les coûts d’emprunt s’élèvent souvent brutalement juste avant un défaut souverain et le différentiel r – g n’est souvent guère différent avant celui-ci qu’en temps normal [Mauro et Zhou, 2020]. L’augmentation récente des taux d’intérêt a poussé à la hausse la charge d’intérêts des Etats, ce qui renforce les craintes quant à la soutenabilité des dettes, mais aussi quant à leur effet sur la croissance, les gouvernements consacrant une part croissante de leurs ressources au remboursement de leur dette.
Plusieurs travaux ont cherché à déterminer l’effet qu’ont pu respectivement avoir les mesures de répression financière [Reinhart et Sbrancia, 2015], l’inflation [Fukunaga et alii, 2022 ; Garcia-Macia, 2023 ; Eichengreen et Esteves, 2023] et la croissance économique [Acalin et Ball, 2023] sur la dynamique de l’endettement public et notamment déterminer quel a pu être leur rôle dans l’épisode de forte baisse des ratios d’endettement au sortir de la Seconde Guerre mondiale.
Pour réduire leur endettement, les gouvernements peuvent être tentés (ou contraints) d’adopter une consolidation budgétaire : ils peuvent chercher à accroître leur solde primaire, c’est-à-dire de l’écart entre les recettes publiques et les dépenses publiques, à l’exclusion des paiements d’intérêts.
Plusieurs travaux se sont penchés sur les effets des consolidations budgétaires sur le PIB [Alesina et alii, 2015 ; Beetsma et alii, 2015]. Plusieurs d’entre eux concluent à un effet significatif sur la croissance du PIB [Blanchard et Leigh, 2013 ; Guajardo et alii, 2014 ; Jorda et Taylor, 2016 ; Fatás et Summers, 2018]. Les travaux portant sur l’effet des consolidations budgétaires sur le ratio dette publique sur PIB ont été moins nombreux. En théorie, le signe de cet effet net est indéterminé, dans la mesure où les consolidations budgétaires sont susceptibles de réduire à la fois le numérateur (le montant de la dette publique) et le dénominateur (le montant du PIB).
Dans une nouvelle étude, Sakai Ando, Prachi Mishra, Nikhil Patel, Adrian Peralta-Alva et Andrea Presbitero (2023) ont examiné quels sont les effets d’une hausse du solde primaire sur les ratios dette publique sur PIB. En s'appuyant sur un échantillon de données relatives à une vingtaine de pays avancés et une trentaine de pays émergents pour ces dernières décennies, ils constatent que les épisodes de consolidations budgétaires et les baisses des ratios d’endettement public sont rarement simultanés. En effet, seulement 54 % des hausses des soldes primaires ont été accompagnées d’une baisse des ratios de dette publique. En moyenne, l'effet des consolidations budgétaires sur le ratio dette publique sur PIB est nul, aussi bien dans les pays avancés que dans les pays émergents (cf. graphique 2).
GRAPHIQUE 2 Réaction du ratio dette publique sur PIB suite à un choc sur le solde primaire (en points de pourcentage)
L’effet moyen dissimule toutefois une importante hétérogénéité des résultats. La différence tient essentiellement aux évolutions de la dette publique : le ratio dette publique sur PIB baisse surtout lorsque la dette publique baisse plus vite que le PIB. Ando et ses coauteurs estiment que les consolidations budgétaires peuvent être associées à une baisse durable des ratios d’endettement public si elles sont adoptées au bon moment et conçues de façon appropriée. En l’occurrence, les consolidations budgétaires sont davantage susceptibles de s’accompagner d’une baisse du ratio dette publique lorsque l'économie est en expansion (c'est-à-dire quand les consolidations peuvent le moins affecter l'activité économique), lorsque la dette publique est élevée et le crédit privé limité (c’est-à-dire quand l’effet d’éviction est susceptible d’être important) et lorsque le taux de change s’apprécie (ce qui doit contribuer à réduire le poids de la dette libellée en devises étrangères). Une consolidation budgétaire réussie coïncide avec une baisse du ratio dette publique sur PIB de 0,7 points de pourcentage au cours de la première année et, de façon cumulée, de 2,1 points de pourcentage après cinq ans.
Ces résultats n’impliquent pas que les consolidations budgétaires doivent être l’outil privilégié pour réduire les ratios d’endettement public. Pour parvenir à réduire significativement ces derniers, il est peut-être nécessaire pour les gouvernements de maintenir durablement d’amples excédents primaires. Or, par le passé, les excédents primaires ont rarement été amples et durables [Eichengreen et Panizza, 2016 ; Arslanalp et Eichengreen, 2023].
Références