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18 juin 2015 4 18 /06 /juin /2015 17:20

Certaines caractéristiques géographiques qui ont été propices au développement économique lors de l’étape agricole se sont révélées être des obstacles à la transition vers l’étape industrielle du développement. Pourtant, selon la croyance conventionnelle partagée par de nombreux économistes, la prospérité a persisté dans les économies qui ont connu une industrialisation précoce. En l’occurrence, le développement industriel est un catalyseur pour la croissance économique, dans la mesure où il aurait un effet persistant sur la prospérité économique. Pourtant, les régions industrielles qui étaient prospères en Europe occidentale et aux Etats-Unis au dix-neuvième siècle ont connu un déclin relatif par rapport aux autres régions de leur pays respectif. C’est le cas des Midlands au Royaume-Uni, de la Ruhr en Allemagne ou encore de la Rust Belt aux Etats-Unis.

De leur côté, Raphaël Franck et Oded Galor (2015) suggèrent que l’adoption de technologie industrielle est certes initialement favorable au développement économique, mais qu’elle exerce par contre un effet nuisible sur les niveaux de vie à long terme. Après avoir recueilli des données allant du dix-neuvième siècle jusqu’au début du vingt-et-unième, les auteurs observent les différences régionales dans l’adoption des machines à vapeur durant la Révolution industrielle en France, avant d’observer les différences régionales dans les performances macroéconomiques, avec en tête l’idée de rechercher comment l’écart de revenu entre les départements qui se sont le plus rapidement industrialisés et les autres départements a évolué au cours du temps. Le degré d’avancement dans le processus d’industrialisation atteint par chaque département est déterminé à partir de la prévalence de machines à vapeur sur la période 1860-1865 (cf. graphique ci-dessous). C’est à Fresnes-sur-Escaut, en 1732, qu’une machine à vapeur fut pour la première utilisée à des fins commerciales.

GRAPHIQUE Répartition de la puissance totale des machines à vapeur entre 1960 et 1965

L’industrialisation favorise-t-elle la prospérité à long terme ?

L’analyse prend en compte l’impact potentiel des caractéristiques géographiques de chaque département sur la relation entre l’industrialisation et le développement économique, notamment le climat, la pluviosité, la latitude, etc. En l’occurrence, elle prend en compte l’impact de ces facteurs spatiaux sur la profitabilité de l’adoption de la machine à vapeur, sur le rythme de sa diffusion d’une région à l’autre, etc. Elle prend également en compte l’emplacement  de chaque département, en l’occurrence son éloignement par rapport à la bordure maritime, son éloignement par rapport à Paris, les départements et pays qui le côtoient, etc. Enfin, l’analyse prend en compte les différences de développement initiales durant l’ère préindustrielle qui sont susceptibles d’affecter le processus d’industrialisation et le développement économique.

Franck et Galor constatent que les régions qui se sont industrialisées le plus tôt ont connu une hausse des taux d’alphabétisation plus rapidement que les autres régions et qu’elles générèrent des revenus par tête plus élevés que ces dernières aux cours des décennies suivantes. En effet, l’analyse établit que la puissance des machines à vapeur de chaque département sur la période 1860-1865 a un impact positif et significatif sur son revenu par tête en 1872, en 1901 et en 1930. Par contre, l’industrialisation précoce exerce un impact négatif sur le revenu par tête, l’emploi et l’égalité dans la période consécutive à 2000.

Les deux auteurs poursuivent leur analyse en explorant les possibles canaux à travers lesquels le développement industriel précoce peut avoir un impact négatif sur le niveau actuel de développement. Ils estiment que le déclin actuel des zones industrielles ne s’explique ni par une plus forte syndicalisation, ni par des salaires plus élevés, ni même par des restrictions aux échanges. Selon Franck et Galor, l’effet négatif de l’industrialisation précoce sur l'accumulation du capital humain est la principale force à l’origine du déclin relatif des régions industrielles. En l’occurrence, les zones qui ont connu une industrialisation précoce ont peut-être connu les plus gros progrès en termes d’alphabétisation et de scolarité au cours de celle-ci, mais ces zones ont par la suite été dépassées en termes de niveau scolaire par le reste du territoire. Une interprétation pourrait être que la prime industrialisation nécessitait à l’époque des travailleurs plus qualifiés que ceux employés dans les autres secteurs de l’économie, notamment l’agriculture. Savoir lire et compter reflétait peut-être alors un capital humain plutôt élevé. Mais aujourd’hui, non seulement ce savoir de base est peut-être considéré comme un faible capital humain, mais les autres secteurs de l’économie (en particulier le tertiaire) exigent peut-être davantage de qualifications que l’industrie. 

Ces constats amènent au final Franck et Galor à conclure que ce n’est pas l’adoption de technologies industrielles en tant que telle, mais les forces qui amorcèrent l’industrialisation qui ont été la source de prospérité parmi les économies que l’on considère aujourd’hui comme développées.

 

Référence

FRANCK, Raphaël, & Oded GALOR (2015), « Is industrialization conducive to long-run prosperity? », document de travail.

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22 mai 2015 5 22 /05 /mai /2015 10:38
Pourquoi la finance se développe-t-elle au détriment de la croissance ?

En théorie, le système financier favorise la croissance économique en facilitant la mobilisation de l’épargne, en favorisant le partage des risques et la couverture des agents contre ces derniers, en contribuant à allouer les ressources vers leur usage le plus productif, en surveillant l’investissement, en améliorant la gouvernance d’entreprise, en facilitant les échanges de biens et services, etc. [Levine, 2005].

La crise financière mondiale a profondément remis en question l’idée que le développement financier favorise la croissance économique ou tout du moins qu’il ait un impact linéaire sur celle-ci. Il peut y avoir plusieurs canaux à travers lesquels des niveaux avancés de développement financier peuvent nuire à la croissance économique. En augmentant la fréquence et l’ampleur des booms, un développement excessif de la finance accroît la fréquence et l’ampleur des effondrements du crédit et des prix d’actifs, or ces derniers entraînent de sévères récessions et freinent durablement la croissance suite à la reprise de l’activité. En l’occurrence, un boom a tendance à divertir les ressources financières vers des activités spéculatives, ce qui accroît le risque de crise financière et fragilise l’ensemble de l’économie. Un excès de finance peut également priver les secteurs productifs de main-d’œuvre qualifiée en allouant excessivement cette dernière dans le secteur financier, ce qui détériore l'innovation et la croissance à long terme. Certains ont même suggéré qu’un large secteur financier est tout particulièrement exposé à l’aléa moral et à l’extraction de rentes, deux dynamiques qui contribuent également à une mauvaise allocation des ressources.

De nombreux travaux empiriques ont confirmé l’idée d’une relation non linéaire entre développement financier et croissance économique. En observant un large échantillon de pays développés et en développement, Stephen Cecchetti et Enisse Kharroubi (2012) constatent que le niveau de développement financier ne stimule la croissance que jusqu’à un certain point, à partir duquel il tend au contraire à la freiner. Lorsque le crédit accordé par les banques au secteur privé représente plus de 90 % du PIB, tout nouvel accroissement du crédit bancaire tend à réduire la croissance. En outre, la croissance rapide du secteur financier se révèle nocive à la croissance de la productivité agrégée dans les pays développés. La croissance du secteur financier affecte de façon disproportionnée les secteurs qui sont soit financièrement dépendants, soit intensifs en recherche-développement. Jean-Louis Arcand, Enrico Berkes et Ugo Panizza (2012) rapportent des résultats similaires. La finance commence à avoir un effet négatif sur la croissance de la production lorsque le crédit représente plus de 100 % du PIB.

Joshua Aizenman, Yothin Jinjarak et Donghyun Park (2015) ont observé la relation entre la profondeur financière et la croissance de la production en utilisant des données sur la croissance de la production de dix secteurs dans 41 pays, notamment 9 pays d’Amérique latine et 11 pays d’Asie de l’est. Lorsqu’ils observent des pays de niveau de vie similaire, Aizenman et ses coauteurs constatent de larges écarts en ce qui concerne l’impact de la profondeur financier sur la croissance sectorielle et confirment que l’approfondissement financier freine la croissance de la production dans plusieurs secteurs. Les résultats confirment que l’impact du développement financier sur la croissance sectorielle puisse être non linéaire, c’est-à-dire qu’il ne promeut la croissance que jusqu’à un certain point avant de se révéler nuisible à celle-ci.

Dans une récente étude du FMI, Ratna Sahay et alii (2015) observent un échantillon de 128 pays au cours de la période 1980-2013. Ils confirment une relation en forme de cloche entre le développement financier et la croissance : le développement financier stimule tout d’abord la croissance, mais les effets s’affaiblissent à des niveaux de développement financier élevés et ils deviennent finalement négatifs. Il n’y a pas un unique point seuil pour l’ensemble des pays ou à un instant donné dans le temps. Plusieurs pays ont déjà dépassé le point tournant et connaissent un développement financier excessif ; c’est par exemple le cas de l’Irlande, des Etats-Unis et surtout du Japon. Inversement, la poursuite du développement financier peut encore contribuer à stimuler la croissance dans des pays en développement comme l’Equateur ou la Gambie.

L’observation de deux composantes de la croissance, en l’occurrence de la productivité totale des facteurs et l’accumulation des capitaux, suggère qu’un excès de finance nuit à la croissance économique en freinant la croissance de la productivité totale des facteurs. Des niveaux élevés de développement financier n’empêchent pas l’accumulation du capital, mais ils réduisent l’efficacité de l’investissement. En fait, à des niveaux élevés de développement financier, la finance continue à remplir ses fonctions de mobilisation de l’épargne et de facilitation des transactions, mais elle ne parvient plus à assurer efficacement ses fonctions d’allocation des ressources financières vers des activités productives. 

Ratna Sahay et ses coauteurs confirment également que la relation entre le développement financier et la stabilité économique est également non linéaire. Le développement financier diminue tout d’abord la volatilité de la croissance, dans la mesure où il permet une expansion des opportunités pour une gestion et une diversification des risques efficace. Après un certain point, la volatilité commence à s’accroître à nouveau. Le point tournant sur la courbe de la volatilité de la croissance du PIB est très proche de celui de la courbe de croissance du PIB précédent. Cela suggère qu’il y a une large gamme de niveaux de développement financier qui promeuvent à la fois la croissance économique et la volatilité économique. Un rythme plus rapide d’approfondissement financier se traduit par un plus grand risqué de crise et d’instabilité macroéconomique. Une croissance plus rapide des institutions s’accompagne d’une plus grande prise de risque et d’un accroissement du levier d’endettement, en particulier lorsque le système financier est peu réglementé et supervisé.

Stephen Cecchetti et Enisse Kharroubi (2015) confirment qu’une hausse exogène de la finance réduit la croissance de la productivité totale des facteurs en bénéficiant disproportionnellement aux projets à faible productivité. Les deux auteurs construisent alors un modèle où la croissance financière et la croissance réelle interagissent. Lorsque des travailleurs qualifiés travaillent dans un secteur ils génèrent une externalité négative sur l’autre secteur. Les institutions financières qui embauchent des travailleurs qualifiés peuvent prêter plus aux entrepreneurs que celles qui ne le font pas. Avec un financement plus abondant et moins cher, les entrepreneurs sont incités à investir dans des projets avec fort garantie, mais à faible productivité, ce qui réduit leur demande pour la main-d’œuvre qualifiée. Inversement, les entrepreneurs qui embauchent des travailleurs qualifiés investissent dans des projets à rendement élevé, mais ayant de faible garantie pour les institutions financières. Dans ce cas, les institutions financières ne sont pas incitées à embaucher des travailleurs qualifiés car les bénéfices tirés d’une expansion du crédit sont limités par le fait que les projets des entrepreneurs présentent de faible garantie. Cette externalité négative peut entraîner des équilibres multiples. A l’équilibre où les institutions financières emploient les travailleurs qualifiés, c’est-à-dire où le secteur financier croît rapidement, la croissance de la productivité totale des facteurs est plus lente qu’à l’équilibre où les entrepreneurs attirent la main-d’œuvre qualifiée, car l’expansion financière bénéficie de façon disproportionnée aux projets à haut collatéral et faible productivité. Par rapport à l’optimum social, les booms financiers au cours desquels la main-d’œuvre qualifiée est embauchée dans le secteur financier sont sous-optimaux lorsque les agents financiers disposent d’un large pouvoir de négociation. Les résultats de cette modélisation sont cohérents avec le fait que la croissance financière blesse disproportionnellement les secteurs intensifs en R&D et dépendants de la finance.

 

Références

AIZENMAN, Joshua, Yothin JINJARAK & Donghyun PARK (2015), « Financial development and output growth in developing Asia and Latin America: A comparative sectoral analysis », NBER, working paper, n° 20917, janvier.

ARCAND, Jean-Louis, Enrico BERKES & Ugo PANIZZA (2012), « Too much finance? », FMI, working paper, n° 12/61.

CECCHETTI, Stephen G., & Enisse KHARROUBI (2012), « Reassessing the impact of finance on growth », BRI, working paper, n° 381.

CECCHETTI, Stephen G., & Enisse KHARROUBI (2015), « Why does financial sector growth crowd out real economic growth? », BRI, working paper, février.

LEVINE, Ross (2005), « Finance and growth: theory and evidence », in Aghion & Durlauf (dir.), Handbook of Economic Growth, Elsevier. 

SAHAY, Ratna, Martin ČIHÁK, Papa N’DIAYE, Adolfo BARAJAS, Ran BI, Diana AYALA, Yuan GAO, Annette KYOBE, Lam NGUYEN, Christian SABOROWSKI, Katsiaryna SVIRYDZENKA & Seyed Reza YOUSEFI (2015), « Rethinking financial deepening: Stability and growth in emerging markets », FMI, staff discussion note, n° 15/08, mai.

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8 avril 2015 3 08 /04 /avril /2015 21:49

Les niveaux de production, tant dans les pays avancés que dans les pays émergents, restent bien en-deçà de ce que les institutions comme le FMI anticipaient en 2008, à la veille de la crise financière mondiale. Leurs taux de croissance restent également inférieurs à leur niveau d’avant-crise. Dans leur contribution aux Perspectives de l’économie mondiale du FMI, Davide Furceri et ses coauteurs (2015) estiment que ce ralentissement durable s’explique notamment par la dégradation de la croissance potentielle.

GRAPHIQUE 1  Estimations et prévisions du niveau de production dans les pays avancés et dans les pays émergents en trois dates différentes (en indices base 100 année 2007)

Les sombres perspectives de croissance potentielle

La croissance potentielle désigne la croissance de la production qui est compatible avec la stabilité des prix ; elle dépend de la quantité de facteurs de production (en l’occurrence du capital productif et de la main-d’œuvre), ainsi que de leur efficacité, c’est-à-dire du progrès technique. Malgré les difficultés à l’estimer, il semble que la croissance potentielle de la production ait décliné au cours des dernières années, aussi bien dans les pays avancés que dans les pays émergents. Autrement dit, les économies sont de moins en moins capables d’accroître rapidement leur production de biens et services sans générer des tensions inflationnistes. Le ralentissement a débuté dans les pays avancés au début des années deux mille, bien avant la crise financière mondiale, mais celle-ci l’a aggravé. Ce ralentissement s’explique notamment par le ralentissement de la croissance de la productivité totale des facteurs suite à une période de croissance exceptionnellement forte liée aux innovations dans les technologies d’information et de communication. En outre, l’accumulation du capital et la croissance de la main-d’œuvre ralentissent, notamment à cause du vieillissement démographique. Par contre, dans les pays émergents, la croissance potentielle a accéléré jusqu’à la crise financière mondiale, en particulier grâce à la l’accélération de la croissance de la productivité totale des facteurs résultant des transformations structurelles et des améliorations dans le niveau d’éducation ; par contre, elle a décliné après la crise financière mondiale.

Avec la crise, la production a fortement chuté et elle est durablement restée sous son niveau potentiel, ce qui n'est pas sans affecter ce dernier. En l'occurrence, non seulement la production potentielle a diminué avec la Grande Récession, mais également son taux de croissance. Une récession, surtout lorsqu'elle est couplée à une crise financière, est susceptible de réduire de façon permanente le niveau de production potentielle via plusieurs canaux, notamment via les effets d’hystérèse. Premièrement, elle freine l’accumulation du capital. Certaines entreprises peuvent ne pas investir car la faiblesse de la demande ne les incite pas à accroître leurs capacités de productions ; même si des entreprises désirent malgré tout investir, elles peuvent ne pas être capables de le faire, car les banques sont plus réticentes à accorder des prêts. En l’occurrence, l’effondrement de l’activité durant la Grande Récession peut expliquer la quasi-totalité de l’effondrement de l’investissement. Or, tant que la demande reste faible et que le système bancaire est peu enclin à offrir du crédit, l’investissement est susceptible de rester atone, ce qui contribue non seulement à la faiblesse de la croissance, mais détériore également les capacités de production à long terme. Deuxièmement, une récession consécutive à une crise financière conduit à une dégradation du chômage de long terme. Or, plus les travailleurs sont au chômage, moins ils deviennent productifs, plus ils deviennent inemployables. En outre, le chômage élevé peut inciter les travailleurs à quitter le marché du travail ou désinciter les travailleurs potentiels (notamment les jeunes) à y entrer, ce qui réduit le taux d’activité, donc la contribution du travail à la croissance. De plus, la réallocation des travailleurs d’un secteur à l’autre impulsée par la crise financière peut accroître le niveau de chômage structurel s’il y a des coûts de réallocation substantiels. Enfin, la crise financière freine la croissance de la productivité totale des facteurs en réduisant l’investissement des entreprises dans la recherche-développement. Par contre, elle la stimule si elle incite les entreprises à devenir plus efficaces. Au final, le risque est précisément que la faiblesse de la croissance s’auto-entretienne : tant que la croissance reste inférieure à la croissance potentielle, cette dernière ralentit.

GRAPHIQUE 2  Evolution de la croissance potentielle (en %) et de ses composantes (en points de poucentage)

Les sombres perspectives de croissance potentielle

Furceri et ses coauteurs estiment que la croissance potentielle devrait légèrement s’accélérer au fur et à mesure que les répercussions de la crise se dissiperont, mais elle restera à moyen terme inférieure à sa tendance d’avant-crise. Elle s’établissait en moyenne à 2 % entre 2001 et 2007 et à 1,3 % entre 2008 et 2014 ; elle devrait atteindre 1,6 % entre 2015 et 2020. D’un côté, avec la reprise, l’accumulation du capital devrait s’accélérer ; de l’autre, avec le vieillissement de la population, la croissance de la population active va rester morose. A l’inverse, dans les pays émergents, la croissance de la production potentielle devrait davantage ralentir. Elle s’établissait en moyenne à 6,5 % entre 2008 et 2014 ; elle devrait atteindre 5,2 % entre 2015 et 2020. Ce ralentissement s’explique par le vieillissement de la population, par le ralentissement de l’investissement et par le ralentissement de la croissance de la productivité totale des facteurs : dans la mesure où les pays émergents se rapprochent de la frontière technologique, les rendements de l’éducation et de l’innovation ne seront pas aussi élevés que par le passé.

Le ralentissement de la croissance potentielle a d’importantes implications pour l’orientation des politiques macroéconomiques. Dans les pays avancés, elle complique le désendettement tant des agents privés que du secteur public. D’autre part, elle entraîne une baisse des taux d’intérêt d’équilibre. Autrement dit, les économies avancées risquent de connaître plus fréquemment des épisodes de trappe à liquidité, dans la mesure où les taux d’intérêt nominaux des banques centrales buteront plus souvent sur leur borne inférieure zéro (zero lower bound). Furceri et ses coauteurs préconisent certes la mise en œuvre de réformes structurelles qui accroîtraient la croissance potentielle en stimulant l’innovation et en contrant les effets du vieillissement démographique, mais ils appellent également à ce que les économies avancées mettent en œuvre des politiques de soutien à la demande pour éviter que la faiblesse de la croissance continue de détériorer le potentiel de croissance, notamment en désincitant les entreprises à investir. Or, le fort endettement public désincite les Etats à recourir à la relance budgétaire et les incite au contraire à embrasser des plans d’austérité, tandis que la borne zéro réduit la marge de manœuvre des banques centrales pour davantage assouplir leur politique monétaire. Dans les pays avancés, il n'est pas improbable que la faiblesse de la croissance et la faiblesse de la croissance potentielle s'entretiennent mutuellement.

 

Références

BLAGRAVE, Patrick, & Davide FURCERI (2015), « Lower potential growth: A new reality », in IMFSurvey Magazine, 7 avril. Traduction française, « Ralentissement de la croissance potentielle : une nouvelle réalité ».

BLAGRAVE, Patrick, Mai DAO, Davide FURCERI, Roberto GARCIA-SALTOS, Sinem KILIC CELIK, Annika SCHNÜCKER, Rachel SZYMANSKI, Juan YÉPEZ ALBORNOZ & Fan ZHANG (2015), « Where are we headed? Perspectives on potential output », in FMI, World Economic Outlook, Uneven Growth: Short- and Long-Term Factors, avril.

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