La similarité des cycles d’affaires est l’un des critères que doit respecter la zone euro pour être considérée comme une zone monétaire optimale. Si c’est le cas, la BCE pourra plus facilement adopter une politique monétaire appropriée pour l’ensemble des pays si ceux-ci tendent à basculer simultanément dans la récession ou s’ils tendent à connaître en même temps une surchauffe de leur activité. Certains ont avancé l’idée que les cycles d’affaires pouvaient ne pas être synchrones entre les pays-membres, mais que l’adoption de la monnaie unique conduirait à leur convergence.
Entre l’été 2008 et la fin de l’année 2013, la zone euro a connu deux récessions consécutives. Certains suggèrent depuis un découplage entre un « cœur » (constitué avant tout de l’Allemagne) et une « périphérie » (composée notamment de la Grèce, du Portugal, de l’Espagne et de l’Italie). Or, si les cycles d’affaires des différents pays-membres ne sont pas synchronisés, la mise en œuvre d’une politique monétaire unique visant à stabiliser l’activité dans la zone euro est finalement susceptible de générer de l’instabilité macroéconomique dans chacun des pays-membres. La politique monétaire ne serait alors plus appropriée pour chacun, puisqu’elle serait alors excessivement accommodante pour certains pays-membres (en y générant de l’inflation et des bulles sur les marchés d’actifs) et excessivement restrictive pour d’autres (en les maintenant dans la récession). De fortes asymétries entre les pays-membres rendent alors nécessaires une intervention budgétaire, voire l’instauration d’une véritable union budgétaire, pour préserver l’union monétaire [Farhi et Werning, 2012].
Filippo Ferroni et Benjamin Klaus (2014) ont étudié les propriétés des cycles d’affaires des quatre plus grands pays de la zone euro, en l’occurrence l’Allemagne, la France, l’Italie et l’Espagne, en s’interrogeant si leurs cycles d’affaires ont connu un découplage lors des récentes périodes de turbulences macroéconomiques. Ils étudient la synchronisation de leurs cycles d’affaires lors des expansions et des ralentissements de l’activité, les propriétés de convergence des fluctuations de chaque pays par rapport aux cycles de la zone euro et la contribution de la zone euro à la volatilité des PIB nationaux.
Leur analyse fait apparaître trois principaux résultats. Premièrement, les données soutiennent l’idée qu’une véritable intégration économique a été à l’œuvre entre la France, l’Allemagne et l’Italie. Inversement, les cycles d’affaires espagnols semblent découplés du reste de la zone euro : l’économie espagnole a semblé être en surchauffe avant la crise et excessivement déprimée par la suite. En fait, le découplage économique de l’Espagne a eu lieu un an avant qu’éclate la crise de la dette souveraine. La rupture dans le processus de synchronisation et de convergence pour l’Espagne apparaît précisément durant la phase de reprise entre les deux récessions. Par contre, les cycles d’affaires des quatre plus grandes économies de la zone euro étaient relativement similaires durant la décennie précédant la crise financière mondiale.
Deuxièmement, le principal déterminant des fluctuations domestiques en France, en Allemagne et en Italie est le facteur européen commun, puisque celui-ci explique plus de la moitié de la volatilité du PIB domestique et de ses composantes, ce qui suggère un important degré d’interdépendance entre les trois pays. Donc, si l’un des trois tombe en récession, il y a plus d’une chance sur deux que ce soit en raison de la faiblesse de l’activité dans la zone euro. Les fluctuations du PIB espagnol ne sont qu’en partie expliquées par un facteur commun à l’ensemble de la zone euro ; l’essentiel de ses fluctuations sont générées par les caractéristiques nationales.
Troisièmement, Ferroni et Klaus constatent d’importants canaux d’effets de débordement, que ce soit entre pays ou entre secteurs. Il y a cependant une forte hétérogénéité et tous les pays ne répondent pas de la même manière à des chocs similaires. En l’occurrence, ils constatent que les pays dont les cycles d’affaires tendent à être synchrones (par exemple la France, l’Italie et l’Allemagne) sont susceptibles de fortement influencer les cycles d’affaires de leurs voisins. Par contre, les cycles financiers et macroéconomiques de l’Espagne ont peu de chances d’influencer les fluctuations de ses voisins.
Références
FARHI, Emmanuel, & Ivan WERNING (2012), « Fiscal unions », NBER, working paper, n° 18280, août.
FERRONI, Filippo, & Benjamin KLAUS (2014), « Euro Area business cycles in turbulent times: convergence or decoupling? », Banque de France, document de travail, n° 522, novembre.