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18 février 2016 4 18 /02 /février /2016 17:43

Après une décennie de forte croissance, qui contribua tout particulièrement à la convergence de leurs niveaux vers ceux des pays avancés, les pays émergents voient leur croissance ralentir depuis la crise financière mondiale [Didier et alii, 2015]. En l’occurrence, leur croissance est passée de 7,6 % en 2010 à 3,5 % en 2015 et elle est désormais inférieure à sa moyenne de long terme. Ce ralentissement est généralisé : il affecte toutes les régions et en l’occurrence un nombre inhabituellement élevé de pays. Parmi les grands pays émergents, l’Afrique du Sud, le Brésil, la Chine, la Russie et, dans une moindre mesure, l’Inde et ont vu leur croissance ralentir simultanément : la croissance de l’ensemble des BRICS est passée de 9 % à 4 % entre 2010 et 2015. Ce ralentissement s’explique plus particulièrement par le ralentissement de la croissance en Chine, la faiblesse persistante de l’Afrique du Sud et par le basculement de la Russie et du Brésil dans la récession, respectivement en 2014 et en 2015.

Si ce ralentissement suscite des inquiétudes, c’est notamment parce que les liens économiques que les pays émergents entretiennent entre eux et en particulier avec les BRICS se sont resserrés ces dernières décennies. Les pays émergents sont également devenus des destinations importantes pour les exportations du reste du monde. 30 % des exportations réalisées par les pays émergents allaient à destination des pays émergents, contre 12 % en 1990. En outre, les pays émergents sont devenus une source importante de fonds par les migrants, d’offre et de demande de matières premières, ainsi que d’investissements directs à l’étranger (IDE). Plus largement, l’ensemble des pays émergents ont contribué en 2014 à 34 % du PIB mondial ; ils ont contribué à 60 % de la croissance mondiale entre 2010 et 2014, contre 46 % sur la période comprise entre 2000 et 2008 (cf. graphique). Quant aux seuls BRICS, ils ont contribué à 40 % de la croissance mondiale entre 2010 et 2014, contre environ 10 % durant les années quatre-vingt-dix ; ils représentent les deux tiers de l’activité des pays émergents et contribuent à un cinquième de l’activité mondiale. 

Contributions des pays émergents à la croissance mondiale (en points de %)

Quelles sont les répercussions internationales d’un ralentissement de la croissance des grands émergents ?

source : Huidrom et alii (2016a)

Dans la mesure où les grands pays émergents ont un poids important dans l’économie mondiale et sont fortement intégrés à celle-ci, beaucoup craignent que le ralentissement de leur croissance pèse fortement sur la croissance du reste du monde. Ce sont surtout les répercussions internationales du ralentissement de la croissance chinoise qui ont retenu l’attention [Gauvin et Rebillard, 2015]. L’économie chinoise constitue en effet l’économie émergente la plus imposante au monde : elle représente les deux tiers de l’ensemble des autres pays émergents et le double de l’ensemble des autres BRICS. Certains, comme Patrice Ollivaud et alii (2014) et Juan Yépez (2014), se sont penchés sur les répercussions d’un ralentissement de la croissance des pays émergents sur les pays avancés. Par contre, peu de travaux se sont penchés sur les répercussions du ralentissement de la croissance de l’ensemble des grands pays émergents. Raju Huidrom, Ayhan Kose et Franziska Ohnsorge (2016a, 2016b) ont récemment cherché à combler ce manque en se focalisant sur les BRICS.

Huidrom et alii notent qu’un ralentissement de la croissance des grands pays émergents est susceptible de se transmettre au reste du monde, via les canaux commerciaux et financiers, via son impact sur les prix des matières premières et via les effets de confiance. En effet, la baisse des importations réalisées par les BRICS réduirait les exportations de leurs partenaires à l’échange. Or la Chine n’a pas seulement resserré ses liens commerciaux avec les pays émergents ; certains pays avancés, comme le Japon et l’Allemagne, réalisent une part significative de leurs exportations à destination de la Chine. Deuxièmement, les pays émergents ont joué un rôle de plus en plus important dans les flux financiers, notamment dans les investissements directs à l’étranger (IDE), les investissements bancaires et les investissements de portefeuille, mais aussi dans les envois de fonds par les migrants. Un ralentissement de la croissance des grands pays émergents risque alors de réduire ces flux financiers à destination des autres pays. Troisièmement, les pays émergents et en particulier la Chine et l’Inde contribuent tout particulièrement à la demande mondiale de matières premières. Par conséquent, le ralentissement de la croissance des pays émergents réduit la demande mondiale en matières premières, ce qui pèse sur la croissance des pays qui exportent ces matières premières, mais tendrait au contraire à stimuler l’activité des pays qui les importent.

A partir d’un modèle VAR bayesien, Huidrom et ses coauteurs confirment que le ralentissement de la croissance des BRICS freinerait la croissance mondiale et en particulier la croissance des autres pays émergents. D’après leurs estimations, une baisse du taux de croissance des BRICS d’un point de pourcentage tend à réduire de 0,4 points de pourcentage la croissance mondiale et de 0,8 points de pourcentage la croissance des pays émergents au cours des deux années suivantes. L’ampleur de ces effets de débordement varie toutefois d’un pays à l’autre. Un ralentissement d’un point de pourcentage de la croissance chinoise entraîne un ralentissement de 0,5 points de pourcentage de la croissance des pays émergents autres que les BRICS. Dans la mesure où ce sont les prix des matières premières qui jouent le rôle principal dans la transmission du ralentissement chinois vers les autres émergents, les pays émergents qui exportent des matières premières risquent d’être bien plus affectés par ce ralentissement que les pays importateurs. Un ralentissement d’un point de pourcentage de la croissance russe ne réduirait la croissance des autres émergents que de 0,3 point de pourcentage. Les effets de débordement associés à un ralentissement de la croissance du Brésil, de l’Inde et de l’Afrique du Sud seraient d’une moindre ampleur. 

Le ralentissement de la croissance des grands émergents aurait de plus profondes répercussions s’il coïncidait avec des turbulences financières. Même si la Fed compte ne resserrer sa politique monétaire que graduellement, ce resserrement est susceptible de remettre en cause la stabilité financière des pays émergents. La poursuite même du ralentissement de la croissance des émergents ou une éventuelle halte dans la reprise des pays avancés (en particulier des Etats-Unis) pourraient réduire subitement et fortement l’appétit des investisseurs financiers pour le risque. Par exemple, si des turbulences financières d’une même intensité que celles observées l’été dernier persistaient durablement, Huidrom et ses coauteurs jugent alors probable que la croissance de l’ensemble des pays émergents et de l’économie mondiale puisse diminuer d’un tiers en 2016.

 

Références

DIDIER, Tatiana, M Ayhan KOSE, Franziska OHNSORGE & Lei (Sandy) YE (2016), « Slowdown in emerging markets: rough patch or prolonged weakness? », CAMA, working paper, n° 01/2016.

GAUVIN, Ludovic, & Cyril REBILLARD (2015), « Towards recoupling? Assessing the global impact of a Chinese hard landing through trade and commodity price channels », Banque de France, working paper, n° 562, juin.

HUIDROM, Raju, Ayhan KOSE & Franziska OHNSORGE (2016a), « Who catches a cold when emerging markets sneeze? », in Banque mondiale, Global Economic Prospects, n° 174, chapitre 3, janvier.

HUIDROM, Raju, Ayhan KOSE & Franziska OHNSORGE (2016b), « Painful spillovers from slowing BRICS growth », in voxEU.org, 17 février. 

OLLIVAUD, Patrice, Elena RUSTICELLI & Cyrille SCHWELLNUS (2014), « Would a growth slowdown in emerging markets spill over to high-income countries? A quantitative assessment », OCDE, economics department working paper, n° 1110, avril. 

YÉPEZ, Juan (2014), « Spillover feature: Should advanced economies Worry about growth shocks in emerging market economies? », in FMI, World Economic Outlook : Recovery Strengthens, Remains Uneven, avril 2014. Traduction française, « Dossier spécial sur les effets de contagion : les pays avancés doivent-ils se préoccuper d’un ralentissement de la croissance des pays émergents? », in FMI, Perspectives de l’économie mondiale : la reprise s’affermit, mais reste inégale.

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16 février 2016 2 16 /02 /février /2016 22:46

Plusieurs études publiées ces dernières années, notamment celles réalisées par Atish Ghosh et ses divers coauteurs (2010, 2011), ont suggéré que les contrôles de capitaux pouvaient s’avérer des plus efficaces pour contenir les risques associés aux entrées de capitaux et maintenir la stabilité financière, en particulier dans les pays en développement, au point de les préconiser dans le cadre de la politique macroprudentielle. Et pourtant, beaucoup d’économistes, d’analystes et de responsables politiques continuent d’être réticents à l’idée de les utiliser.

Atish Ghosh et Mahvash Qureshi (2016) ont alors cherché à expliquer pourquoi les restrictions aux entrées des capitaux ont une si mauvaise réputation. Pour cela, ils retracent l'histoire des contrôles de capitaux à travers le monde. Ils rappellent ainsi que de telles pratiques sont loin d'être récentes. Même à la fin du dix-neuvième siècle, que beaucoup considèrent pourtant être comme un âge d’or pour la globalisation financière, la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne, qui constituaient alors les principaux exportateurs de capitaux, restreignaient les entrées de capitaux, et ce avant tout pour des questions politiques. De leur côté, les importateurs de capitaux restreignaient les entrées de capitaux pour des raisons stratégiques. Durant l’entre-deux-guerres, les contrôles des sorties de capitaux se généralisèrent, en particulier dans les régimes autocratiques et autoritaires. Les années trente furent notamment marquées par la Grande Dépression et par des mouvements de capitaux fébriles ; les pays réagirent alors en instaurant des contrôles de changes, des mesures commerciales protectionnistes et des dévaluations compétitives. 

Durant l’immédiat après-guerre, les souvenirs de la Grande Dépression et des guerres de devises étaient encore fortement ancrés dans les consciences et notamment celles des principaux architectes du système de Bretton Woods. Aux yeux de John Maynard Keynes et de Harry Dexter White, cet épisode historique confirmait que la libre mobilité des capitaux était incompatible avec le libre-échange des biens et services. Ils estimaient notamment que les mouvements de capitaux pouvaient se révéler déstabilisateurs et n’inciter les pays qu’à embrasser le protectionnisme. Ils considéraient également que la mobilité des capitaux ne pouvait que réduire la capacité des gouvernements à mettre en œuvre des politiques conjoncturelles en vue de gérer la demande globale et de stabiliser les économies domestiques.

Au cours des premières années du système de Bretton Woods, les contrôles des capitaux sont restés assez répandus et, en l’occurrence, plus répandus parmi les pays avancés que parmi les pays en développement. En outre, ils portaient davantage sur les sorties de capitaux que sur les entrées de capitaux. Initialement, les restrictions des entrées de capitaux ont visé à limiter l'acquisition de secteurs jugés stratégiques par les étrangers. La libéralisation financière des pays avancés s’est amorcée dans les années soixante-dix, puis s’est accélérée dans les années quatre-vingt avec l’essor des doctrines du libre-échange. L’internationalisation des échanges commerciaux et l’essor des firmes transnationales réduisaient également l’attrait des contrôles de capitaux. Plus spécifiquement, les Etats-Unis et le Royaume-Uni désiraient rester les centres principaux de la finance internationale, or le maintien de barrières dans les mouvements de capitaux ne leur permettait pas de jouer ce rôle. De leur côté, les pays européens ont perçu le retrait des barrières aux mouvements des capitaux comme nécessaire pour poursuivre leur intégration régionale.

De leur côté, les pays en développement avaient des comptes courants relativement ouverts au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Ils ont eu tendance à les refermer à la fin des années soixante et au début des années soixante-dix, notamment pour poursuivre des stratégies de croissance introvertie. Ce n’est qu’à partir des années quatre-vingt que les pays émergents commencent à libéraliser leurs comptes courants. A la veille de la crise financière mondiale de 2008, les mesures de restriction des entrées de capitaux avaient mauvaise réputation. Par exemple, lorsque la Thaïlande essaya de contenir les entrées de capitaux en instaurant un contrôle des capitaux en décembre 2006, mais face à la réaction violente des marchés elle fut forcée de l’abandonner rapidement. Même après la crise financière, les diverses tentatives des pays émergents  pour restreindre les entrées de capitaux n’ont pas toujours été accueilles favorablement. 

Au final, Ghosh et Qureshi suggèrent que plusieurs facteurs ont amené les pays à délaisser les contrôles de capitaux comme outils macroprudentiels. Premièrement, les contrôles de capitaux sont apparus comme inextricablement liés aux contrôles des sorties de capitaux, or ces derniers ont typiquement été associés aux régimes autocratiques (qui cherchaient à contenir toute fuite des capitaux), aux mauvaises politiques macroéconomiques et aux crises financières (au cours desquelles les résidents voient la valeur de leur épargne s’écrouler, tandis que les non-résidents ne peuvent rapatrier leurs capitaux). Deuxièmement, les restrictions des comptes de capitaux tendent souvent à être associées avec des restrictions de comptes courants. Or, comme les pays désirent approfondir leur intégration commerciale, ils perçoivent les contrôles des capitaux comme incompatibles avec le libre-échange. Troisièmement, l’usage des contrôles des capitaux, même pour des motifs macroprudentiels, est tombé en désuétude aux cours des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix avec l’essor des doctrines du libre-échange.

 

Références

GHOSH, Atish R., & Mahvash S. QURESHI (2016), « What’s in a name? That which we call capital controls », FMI, working paper, n° 16/25, février.

OSTRY, Jonathan, Atish GHOSH, Karl HABERMEIER, Marcos CHAMON, Mahvash QURESHI & Dennis REINHARDT (2010), « Capital inflows: The role of controls », FMI, staff position paper, n° 10/04.

OSTRY, Jonathan, Atish GHOSH, Karl HABERMEIER, Marcos CHAMON, Mahvash QURESHI, Luc Laeven & Annamaria Kokenyne (2011), « Managing capital inflows: What tools to use? », FMI, staff discussion note, n° 11/06

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13 février 2016 6 13 /02 /février /2016 14:55

Environ 65 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre proviennent de la combustion de carburants fossiles. Ces émissions proviennent pour 45 % du charbon, pour 35 % du pétrole et pour 20 % de gaz naturel. Pour freiner significativement le changement climatique, deux options semblent se présenter : parvenir à capturer le carbone présent dans l’air ; réduire drastiquement la consommation d’énergies fossiles. Cependant peu de pays ont mis en œuvre des politiques cherchant véritablement à limiter la consommation d’énergies fossiles ou qui allouent de réelles ressources pour développer des sources d’énergies faiblement émettrices en carbone. Dans les pays de l’OCDE, la consommation de pétrole et de charbon s’est certes réduite de 10 % par rapport à son niveau de 2005, mais la consommation de gaz naturel s’est quant à elle accrue de 10 %. Dans le reste du monde, les consommations de charbon, de pétrole et de gaz naturel ont respectivement augmenté de 46 %, 33 % et 35 %. Au final, les consommations mondiales de pétrole, de charbon et de gaz naturel ont augmenté respectivement de 7,5 %, 24 % et 20 % entre 2005 et 2014.

En fait, pour Thomas Covert, Michael Greenstone et Christopher Knittel (2016), c’est comme si le monde faisait le pari que l’offre et/ou la demande d’énergies fossiles finiront pas s’effondrer : d’un côté, la consommation soutenue d’énergies fossiles pousserait le coût marginal d’extraction des énergies fossiles à la hausse et finirait par les rendre plus coûteuses que les énergies plus propres ; de l’autre, les avancées technologiques devraient se traduire par l’amélioration de l’efficacité énergétique des technologies existantes et par l’apparition de nouvelles technologies non émettrices de carbone.  C’est précisément la puissance de ces forces qui s’exercent du côté de l’offre et du côté de la demande que Covert et ses coauteurs cherchent à évaluer.

GRAPHIQUE 1  Ratio réserves prouvées d’énergies fossiles sur consommation annuelle

 

Cesserons-nous un jour d’utiliser les énergies fossiles ?

source : Covert et alii (2016)

Ils rappellent tout d’abord l’évolution du ratio rapportant la quantité de réserves prouvées sur la consommation annuelle courante (cf. graphique 1). Les réserves prouvées désignent les réserves qui sont techniquement et économiquement exploitables aux prix courants ; elles ne prennent donc en compte ni les réserves découvertes mais non exploitées (car leur exploitation n’est pas rentable, tout du moins pas avec les prix et technologies actuels), ni les réserves qui ne sont pas encore découvertes. Ainsi, le montant de réserves totales d’énergies fossiles disponibles sur la planète est relativement fixe, mais le montant des réserves prouvées peut aussi bien s’accroître ou diminuer, en fonction des prix, des technologies d’extraction et des découvertes de gisements. Le ratio réserves prouvées sur consommation annuelle courante représente donc le nombre d’années de consommation courante que les gisements connus peuvent techniquement et économiquement satisfaire. A n’importe quel moment au cours de ces trente dernières années, le monde disposait sous terre de 50 ans de réserves prouvées en pétrole et en gaz naturel : chaque année, de nouvelles réserves deviennent économiquement/techniquement exploitables et compensent la consommation annuelle. Le ratio associé au charbon a par contre tendance à diminuer, mais, si la consommation de charbon se maintient au rythme actuel, il reste davantage d’années de réserves de charbon que de pétrole ou de gaz naturel.

Covert et alii se penchent plus particulièrement sur le comportement de l’offre de carburants fossiles au cours des trois dernières décennies. Les données historiques indiquent que l’offre de carburants fossiles a régulièrement augmenté au cours du temps, notamment grâce au développement de techniques d’extraction toujours plus efficaces et moins coûteuses. Par exemple, il est possible de forer dans des eaux toujours plus profondes et des types de ressources qui n’étaient auparavant pas considérées comme exploitables le deviennent, comme récemment le pétrole des sables bitumeux et le pétrole des dépôts de schiste. Les réserves en pétrole et en gaz naturel ont ainsi pu s’accroître au rythme moyen de 2,7 % par an (cf. graphique 2). Le total des réserves prouvées de pétrole n’a chuté qu’au cours d’une année et cette chute fut suivie l’année suivante par une hausse de 12,2 %. Si les avancées technologiques se poursuivent au même rythme que par le passé, alors il n’y a pratiquement aucune limite à la quantité de réserves de carburants fossiles qui, même si elles ne sont pas encore rentables d’exploiter aux prix actuels, peuvent devenir économiquement rentables à l’avenir, tout du moins sur l’échelle de temps qui importe pour la question du changement climatique. Même si les forces de marché ou des politiques tendaient à pousser les prix des énergies fossiles à la hausse, les avancées technologiques continueraient à réduire les coûts d’extraction de ces combustibles.

GRAPHIQUE 2  Quantité de réserves prouvées de pétrole, de gaz naturel et de charbon au cours du temps

Cesserons-nous un jour d’utiliser les énergies fossiles ?

source : Covert et alii (2016)

Ensuite, Covert et ses coauteurs se tournent du côté de la demande. Certes des substituts aux combustibles fossiles, peu émetteurs en carbone, comme l’énergie hydroélectrique, l’énergie solaire, l’énergie éolienne et le nucléaire, existent déjà, mais la demande pour les combustibles fossiles pourrait ne pas chuter pour autant. Les données historiques indiquent que le prix relatif des carburants fossiles vis-à-vis des sources d’énergies faiblement émettrices de carbone n’a pas fortement diminué au cours du temps et les auteurs doutent qu’elle diminue fortement à moyen terme. Par conséquent, la consommation de carburants fossiles devrait continuer d’augmenter et notamment représenter en 2040 les quatre cinquièmes de l’offre totale d’énergies. 

Cette étude aboutit donc à un constat alarmant. Non seulement les forces de marché ne laissent aucunement entrevoir un ralentissement des émissions de carbone, mais les politiques d’atténuation qui ont été mises en place jusqu’à présent se révèlent insuffisantes pour résoudre ces défaillances de marché. Le progrès technique contribue certes au développement de substituts moins polluants, mais il contribue également à rendre toujours plus rentable l’extraction d’énergies fossiles. Des politiques plus agressives doivent donc nécessairement être mises en place pour atténuer l’émission de carbone et freiner le réchauffement climatique.

 

Références

COVERT, Thomas, Michael GREENSTONE & Christopher R. KNITTEL (2016), « Will we ever stop using fossil fuels? », in Journal of Economic Perspectives, vol. 30, n° 1, hiver.

TAYLOR, Timothy (2016), « Will peak oil or renewables make climate change moot? », in Conversable Economist (blog), 12 février.

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