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8 janvier 2016 5 08 /01 /janvier /2016 18:47

Depuis 2008, la zone euro a connu deux récessions : l’une dans le sillage de la crise financière mondiale et la seconde dans le sillage de la crise de la dette souveraine. Certains pays-membres, en particulier l’Espagne, la Grèce, l’Italie, l’Irlande et le Portugal, qualifiés régulièrement de « pays périphériques », en ont été tout particulièrement affectés ; d’autres, comme l’Allemagne, en ont été relativement épargnés. Ainsi, alors que la croissance était plutôt synchronisée avant-crise entre les deux régions, celles-ci connaissent une profonde divergence après 2008, que ce soit en termes de PIB réel ou de taux d’emploi (cf. graphiques 1 et 2). Les pays périphériques ont récemment connu une légère reprise, mais leur PIB est toujours inférieur de près de 10 % de leur niveau d’avant crise. Prise dans son ensemble, la zone euro est en passe de connaître une véritable « décennie perdue » : en 2015, la production de l’ensemble de la zone euro était toujours inférieure à son niveau de 2008.

GRAPHIQUE 1  PIB réel (en indices, base 100 en 2007)

Désendettement, déflation et dépréciation dans la zone euro

source : Kuvshinov et alii (2015)

Dans la mesure où la plupart des pays-membres qui ont été les plus touchés par la crise sont ceux qui connurent un boom alimenté par le crédit avant qu’éclate la crise, leurs mauvaises performances s’expliquent, du moins en partie, par le désendettement de leurs résidents Avant la crise, la croissance annuelle du crédit s’élevait en moyenne à 13 % dans les pays périphériques ; elle était trois fois plus rapide que dans le reste de la zone euro. La crise financière mondiale est synchrone avec une contraction du crédit. Depuis 2009, la croissance du crédit est négative dans les pays périphériques. 

GRAPHIQUE 2  Taux d’emploi des 15-64 ans (en %)

Désendettement, déflation et dépréciation dans la zone euro

source Kuvshinov et alii (2015)

Privés d’accès au crédit, les résidents des pays périphériques doivent nécessairement réduire leurs dépenses, notamment pour rembourser leur dette en cours. Ainsi, alors qu’elle connaissait un rapide essor avant la crise financière mondiale, la dette privée des pays périphériques a ensuite stagné, puis décliné (cf. graphique 3). Des auteurs comme Philippe Martin et Thomas Philippon (2014) ont particulièrement souligné l’impact qu’un tel désendettement peut avoir sur la croissance de la zone euro. Les économies les plus en difficulté représentent une part significative de la zone euro, soit environ un tiers du PIB de cette dernière. Un puissant processus de désendettement dans ces économies peut donc générer des pressions déflationnistes si la politique monétaire est incapable de les contenir. Or, justement, durant l’essentiel de l’après-crise, la politique monétaire de la BCE a été contrainte par la borne inférieure zéro. Les pressions déflationnistes peuvent alors accroître les taux d’intérêt réels, c’est-à-dire contribuer à réduire la demande globale et par là à freiner la croissance.

GRAPHIQUE 3  Dette du secteur privé (en % du PIB)

Désendettement, déflation et dépréciation dans la zone euro

source Kuvshinov et alii (2015)

Le graphique 4 représente le taux de change réel interne à la zone euro, normalisé à l’unité en 1999 et défini de telle manière que sa baisse corresponde à une appréciation pour les pays en difficulté : il s’est apprécié d’environ 8 % avant la crise, mais il a peu varié après. Au sein de la zone euro, les variations du taux de change réel résultent des dynamiques d’inflation se déroulant dans les deux régions. Avant la crise, les pays périphériques étaient marqués par une plus forte inflation que le reste de la zone euro. Mais la crise et la reprise qui l’a suivie ont été marquées par une faible inflation, aussi bien dans les pays les plus affectés par la crise que dans les autres.

GRAPHIQUE 4  Taux de change réel interne à la zone euro

Désendettement, déflation et dépréciation dans la zone euro

source Kuvshinov et alii (2015)

Dmitry Kuvshinov, Gernot Müller et Martin Wolf (2015) ont interprété ces divers faits au prisme d'un modèle à deux économies en se demandant pourquoi il n’y a pas eu de significatif ajustement des taux de change réels internes à la zone euro. Ils constatent que le désendettement dans une partie d’une union monétaire génère effectivement des pressions déflationnistes qui ne peuvent être contenues par la politique monétaire lorsqu’elle est contrainte par la borne inférieure zéro. Par conséquent, le taux de change réel ne réagit pas et la production s’effondre, en particulier dans les économies en désendettement.

Pour Kuvshinov et alii, ces constats font écho au « paradoxe de la flexibilité », tel qu’il a été formulé par Gauti Eggertsson et Paul Krugman (2012) dans un cadre d’économie fermée. Lorsque l’économie subit un puissant choc de désendettement, un accroissement de la flexibilité des prix et des salaires peut exacerber la récession en raison d’une dynamique de déflation par la dette à la Irving Fisher (1933). Comme les salaires et les prix nominaux chutent plus fortement que la dette nominale lorsque la demande globale s’effondre, la valeur réelle de la dette s’accroît, ce qui réduit à néant les efforts fournis pour réduire la dette. Kuvshinov et ses coauteurs montrent que ce mécanisme est également à l’œuvre en économie ouverte. Ils observent en effet qu’une plus grande flexibilité dans un ensemble de pays-membres peut amplifier les effets du choc dans l’ensemble de l’union monétaire. Les pressions déflationnistes s’accentuent, si bien que le taux de change réel a tendance à s’apprécier, accroissant à nouveau les pressions déflationnistes. Cependant, de tels effets pervers sont négligeables dans les petits économies ouvertes : dans leur cas, la borne inférieure zéro ne devient pas contraignante et la chute des prix domestiques entraîne une dépréciation du taux de change réel, ce qui stabilise l’économie.

Les conclusions auxquelles aboutissent Kuvshinov et ses coauteurs sont similaires à celles obtenus par Gauti Eggertsson, Andrea Ferrero et Andrea Raffo (2013) : les mesures visant à accroître la flexibilité des économies les plus frappées par la crise dans une union monétaire sont inefficaces, à moins qu’elles ne soient accompagnées par de puissantes mesures non conventionnelles pour assouplir davantage la politique monétaire une fois la borne inférieure zéro atteinte par les taux d’intérêt nominaux. Sinon, ces réformes structurelles risquent d’aggraver la récession et de compliquer le désendettement du secteur privé.

 

Références

EGGERTSSON, Gauti, Andrea FERRERO & Andrea RAFFO (2013), « Can structural reforms help Europe? », Réserve fédérale, international finance discussion paper, novembre. 

EGGERTSSON, Gauti B., & Paul KRUGMAN (2012), « Debt, deleveraging, and the liquidity trap: A Fisher-Minsky-Koo approach », Federal Reserve Bank of New York, 26 février.

FISHER, Irving (1933), « The debt deflation theory of great depressions », in Econometrica, vol. 1, n° 4. Traduction française, « La théorie des grandes dépressions par la dette et la déflation », in Revue française d’économie, vol. 3, n°3, 1988.

KUVSHINOV, Dmitry, Gernot J. MÜLLER & Martin WOLF (2015), « Deleveraging, deflation and depreciation in the euro area », document de travail.

MARTIN, Philippe, & Thomas PHILIPPON (2014), « Inspecting the mechanism: Leverage and the Great Recession in the eurozone », NBER, working paper, n° 20572, octobre.

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5 janvier 2016 2 05 /01 /janvier /2016 22:19

Plusieurs études suggèrent que l’expansion rapide du crédit lors d’une expansion de l’activité accroît fortement le risque de crises financières et de crises bancaires. Or les crises bancaires tendent à être suivies par de plus larges pertes en production et par de plus lentes reprises si elles sont précédées par des booms du crédit ; les répercussions des crises bancaires sur la production sont très durables, voire même permanentes. Il se pourrait même que l’expansion du crédit nuise également à l’activité lors des périodes expansions. En effet, Stephen Cecchetti et Enisse Kharroubi (2015) ont montré qu’un boom du crédit pèse sur la croissance économique en freinant la croissance de la productivité, et ce même s’il n’est pas suivi par une crise financière. Ils suggèrent que ce résultat s’explique par l’impact du boom du crédit sur l’allocation des ressources et notamment de la main-d’œuvre. En l’occurrence, l’essor du secteur financier peut bénéficier disproportionnellement aux projets avec de forts collatéraux, mais caractérisés par une faible productivité ; surtout, il peut inciter la main-d’œuvre qualifiée à chercher à se faire embaucher par le seul secteur financier, au détriment des autres secteurs de l’économie, notamment les plus innovants.

Claudio Borio, Enisse Kharroubi, Christian Upper et Fabrizio Zampolli (2016) ont récemment étudié le lien entre les booms du crédit, la croissance de la productivité, les réallocations de la main-d’œuvre et les crises financières à partir d’un échantillon de 21 pays avancés, sur la période s’étalant entre 1969 et aujourd’hui. Ils en tirent deux principaux constats. Premièrement, les booms du crédit réorientent l’allocation de la main-d’œuvre au profit des secteurs à faible croissance de la productivité et donc au détriment des secteurs à forte croissance de la productivité, ce qui explique pourquoi les booms du crédit tendent à freiner la croissance de la productivité. Deuxièmement, l’impact des réallocations qui surviennent durant un boom, et plus généralement durant une expansion de l’activité, est bien plus large si une crise s’ensuit. La perte moyenne par an au cours des cinq ans qui suivent une crise est plus de deux fois plus importante que durant un boom. En d’autres termes, lorsque les conditions économiques deviennent hostiles, la mauvaise allocation engendre la mauvaise allocation. 

Pour Borio et ses coauteurs, les résultats auxquels leur étude empirique aboutit apportent un éclairage sur plusieurs débats actuels et notamment sur la question de la stagnation séculaire. Selon Larry Summers (2014), les pays avancés ont fait face à une insuffisance chronique de la demande globale avant même qu’éclate la crise financière mondiale. Borio et alii estiment que la lenteur de la reprise après la Grande Récession résulte non seulement de la crise financière ; mais aussi du boom qui l’a précédée. Alors que Summers trouve que la croissance américaine a été décevante avant la crise fut décevante malgré le boom ; pour Borio et alii, elle a été décevante à cause du boom.

La littérature a souligné les répercussions procycliques du cycle financier sur la demande globale : l’expansion du crédit durant un boom stimule la demande agrégée et par là la production, tandis qu’un effondrement financier déprime la demande globale et par là la production en poussant les agents à se désendetter et les banques à restreindre le crédit. Borio et alii estiment qu’il ne faut pas se contenter d’observer la demande globale pour juger des répercussions du cycle financier ; ce dernier a également des répercussions négatives du côté de l’offre, via le canal de l’allocation des ressources. Les effets d’hystérèse qui freinent l’activité au sortir d’une crise financière ne s’expliquent pas seulement par la demande globale, mais également par l’allocation du crédit et de la main-d’œuvre. Cela justifie de redéfinir le concept de production potentielle en prenant en compte les déséquilibres financiers, comme le suggéraient déjà Claudio Borio, Piti Disyatat et Mikael Juselius (2013) : il faut prendre en compte le cycle financier pour déterminer le PIB potentiel et pour déterminer si l’économie est en surchauffe.

Ensuite, pour Borio et alii (2016), leurs résultats éclairent les répercussions que la politique monétaire peut avoir à moyen et long termes et son efficacité face aux effondrements financiers. Si une politique monétaire laxiste contribue aux booms du crédit et si ces booms ont des effets pernicieux permanents sur la production et la productivité, ne serait-ce que lorsqu’ils sont suivis par des crises financières, alors la monnaie n’est décidemment pas neutre à long terme. Enfin Borio et ses coauteurs jugent la politique monétaire accommodante peu efficace pour contrer les répercussions d’une crise financière. D’une part, son efficacité s’en trouve atténuée par le fait même que les agents cherchent à se désendetter et par le blocage du système financier. D’autre part, elle n’est pas un bon outil pour corriger la mauvaise allocation des ressources, puisqu’elle a précisément été à leur origine au cours de la précédente expansion ; elle risque à nouveau d’altérer l’allocation des ressources au cours de la prochaine expansion.

 

Références

BORIO, Claudio, Piti DISYATAT & Mikael JUSELIUS (2013), « Rethinking potential output: Embedding information about the financial cycle », BRI, working paper, n° 404, février.

BORIO, Claudio, Enisse KHARROUBI, Christian UPPER & Fabrizio ZAMPOLLI (2016), « Labour reallocation and productivity dynamics: financial causes, real consequences », BRI, working paper, n° 534, janvier.

CECCHETTI, Stephen G., & Enisse KHARROUBI (2015), « Why does financial sector growth crowd out real economic growth? », BRI, working paper, n° 490, février.

SUMMERS, Lawrence (2014), « U.S. economic prospects: Secular stagnation, hysteresis, and the zero lower bound », in Business Economics, vol. 49, n° 2.

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2 janvier 2016 6 02 /01 /janvier /2016 14:52

L’un des débats les plus vifs en finance internationale est si l’ouverture d’un pays aux capitaux étrangers favorise sa croissance économique. En effet, ces dernières décennies, les grandes institutions internationales ont activement préconisé la libéralisation des comptes de capital, en particulier dans les pays émergents. A mesure que la mondialisation s’est approfondie, il a peut-être été de plus en plus difficile pour les pays de continuer de restreindre les mouvements de capitaux ; en l’occurrence, il est d’autant plus difficile pour un pays de maintenir son contrôle des capitaux si les autres pays l’abandonnent.

Théoriquement, l’intégration financière est censée conduire à une allocation plus efficace du capital et à améliorer le partage des risques entre les pays. En effet, chaque pays connaît des fluctuations de son activité, mais il pourra « s’assurer » contre celles-ci et lisser les fluctuations de sa consommation domestique, parce que les autres pays ne se situent pas forcément au même point du cycle que lui : un pays en récession pourra profiter de l’entrée de capitaux provenant de pays connaissant au contraire une expansion, ce qui réduira l’impact de la récession sur le revenu de ses résidents. En outre, comme le suggèrent les modèles de croissance néoclassiques inspirés de Solow, les capitaux sont censés aller des pays abondants en capitaux (c’est-à-dire les pays développés) vers les pays peu dotés en capitaux (c’est-à-dire les pays en développement), dans la mesure où la productivité marginale du capital est plus élevée dans les seconds que dans les premiers. Avec l’allègement des contraintes pesant sur le mouvement des capitaux, les pays récipiendaires voient les afflux de capitaux s’accroître, leur coût du capital diminuer et l’investissement domestique s’en trouver stimulé, ce qui accélère leur croissance économique et par là la convergence de leur niveau de vie vers son état régulier.

D’un autre côté, certains suggèrent au contraire qu’un approfondissement de l’intégration financière est susceptible de retarder le développement d’un pays. En assouplissant les restrictions aux flux de capitaux, un pays espère accélérer les entrées de capitaux, mais cet assouplissement peut également accélérer leur sortie. Par conséquent, un pays adoptant de mauvaises politiques ou se caractérisant par de fragiles institutions serait susceptible de connaître une fuite des capitaux, ce qui réduit l’épargne domestique. Par exemple, si les résidents ont la possibilité de placer leur épargne à l’étranger et si les institutions financières domestiques sont peu développées, ils pourront être effectivement incités à placer leurs capitaux dans un autre pays. Les entrées peuvent en outre avoir tendance à être procycliques. En effet, ces dernières décennies, plusieurs pays n’ont pas réussi à contenir les sorties des capitaux lorsqu’ils subirent des crises, ce qui avait tendance à aggraver ces dernières. Réciproquement, les entrées de capitaux contribuent certes à stimuler l’activité en période d’expansion, mais elles peuvent aussi alimenter des booms insoutenables en période d’expansion, ce qui accroît le risque de crises. Enfin, la libre mobilité des capitaux expose davantage chaque pays aux crises financières éclatant dans le reste du monde, ce qui favorise la contagion internationale. Par conséquent, plusieurs pays émergents ont pu se montrer réticents à libéraliser leur compte de capital et certains ont instauré des contrôles de capitaux pour éviter les afflux déstabilisateurs de capitaux et préserver la stabilité financière. Certaines études du FMI parues récemment ont même pu justifier l’adoption de telles mesures, tout du moins pour les pays émergents, en les considérant comme relevant de la politique macroprudentielle.

Les études ont cherché à trancher le débat en déterminant l’ampleur des gains générés par la libéralisation financière, or la plupart d’entre elles semblent suggérer que la libéralisation du compte de capital n’a pas d’impact significatif sur l’investissement, la croissance et les autres variables réelles susceptibles d’affecter le bien-être des populations. Par exemple, l’analyse empirique réalisée par Dani Rodrik (1998) ne décèle pas de corrélation entre l’ouverture des comptes de capitaux des pays et le montant de leur investissement ou le rythme de leur croissance économique. Dans sa revue de la littérature, Barry Eichengreen (2001) estime que les études ne parviennent au mieux qu’à déceler des effets ambigus. En observant les données relatives à 57 pays, Hali Edison, Ross Levine, Luca Ricci et Torsten Slok (2002) ne parviennent pas à rejeter l’hypothèse selon laquelle l’intégration financière n’accélère pas la croissance. En observant quatorze libéralisations du compte de capital, Ayhan Kose, Eswar Prasad, Kenneth Rogoff et Shang-Jin Wei (2003) constatent que seulement trois d’entre elles ont conduit à une accélération significative de la croissance.

Comme le montrent Pierre-Olivier Gourinchas et Olivier Jeanne (2006) à travers un modèle néoclassique, les gains associés à l’intégration financière sont peu significatifs. Même lorsqu’un pays est initialement dans une situation d’autarcie et se caractérise alors par un faible niveau de capitaux, l’ouverture ne lui rapporte que peu de gains. En l’occurrence, les gains de bien-être générés par le passage d’une autarcie financière complète à une parfaite mobilité des capitaux correspond à une hausse permanente de la consommation d’environ 1 %. Cela s’explique par le fait que la distorsion provoquée par une faible mobilité des capitaux est transitoire : le pays finit par atteindre son niveau d’état régulier de capitaux sans s’ouvrir, bien que plus lentement. Seuls les pays dépourvus de capitaux peuvent connaître de larges gains à travers l’ouverture financière.

Afin d’éclaircir le débat, Nicolas Coeurdacier, Hélène Rey et Pablo Winant (2015) ont également cherché à identifier les gains d’une intégration financière à partir d’un modèle de croissance néoclassique, mais cette fois-ci en prenant en compte l’incertitude agrégée. Leur modélisation confirme les résultats précédemment établis par la littérature, puisqu’elle suggère que ces gains sont faibles : ils s’élèvent au mieux à deux points de pourcentage, même dans les cas les plus favorables où la prime de risque est élevée. Les pays les plus risqués bénéficient certes du partage international des risques, mais leurs résidents vont aussi réallouer leur épargne de précaution dans les pays les plus sûrs. Cela nuance l’idée souvent répandue que ce sont les pays les plus risqués, c’est-à-dire les pays en développement, qui devraient tirer les plus larges gains de l’intégration financière. En réalité, ce sont les pays les plus sûrs, c’est-à-dire les pays développés, qui sont les plus susceptibles de bénéficier de l’intégration financière. Ils vendent en effet de l’assurance à un prix élevé, en l’occurrence à un prix d’autant plus élevé que l’aversion au risque et la prime de risque sont élevés. Le modèle de Coeurdacier et alii nuance également les prédictions standards liant l’intégration financière et la croissance, dans la mesure où ses prédictions sont bien plus complexes et où il suggère que les répercussions de l’intégration financière sur la croissance sont hétérogènes et dépendent de la rareté du capital, du niveau de risque et de la taille des pays. En effet, l’intégration financière pèse sur la croissance des pays émergents si leur niveau de risque agrégé est élevé en comparaison avec les pays développés. En outre, si les pays émergents connaissent une véritable pénurie de capitaux à l’ouverture, l’intégration financière accélère la croissance à court terme, mais la ralentit à plus long terme. Les résultats obtenus par Coeurdacier et alii expliquent pourquoi les études empiriques ont des difficultés à saisir clairement les gains associés à l’intégration financière.

 

Références

COEURDACIER, Nicolas, Hélène REY & Pablo WINANT (2015), « Financial integration and growth in a risky world », NBER, working paper, n° 21817, décembre.

EDISON, Hali, Ross LEVINE, Luca RICCI & Torsten SLOK (2002), « International financial integration and economic growth », in Journal of International Money and Finance, vol. 21.

EICHENGREEN, Barry (2002), « Capital account liberalization: what do the cross-country studies tell us? », in World Bank Economic Review, vol. 15.

GOURINCHAS, Pierre-Olivier, & Olivier JEANNE (2006), « The elusive gains from international financial integration », in Review of Economic Studies, vol. 73. 

KOSE, M. Ayhan, & Eswar Prasad (2004), « La libéralisation du compte de capital », in FMI, Finance & Développement, septembre.

KOSE, M. Ayhan, Eswar PRASAD, Kenneth ROGOFF & Shang-Jin WEY (2003), « Effects of financial globalization on developing countries: Some empirical evidence », FMI, occasional paper, n° 220.

RODRIK, Dani (1998), « Who needs capital account convertibility? ».

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