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30 mars 2015 1 30 /03 /mars /2015 20:44

Beaucoup considèrent la déflation comme le symptôme d’une insuffisance de la demande globale : les entreprises baissent leurs prix, car elles ont du mal à écouler leurs stocks. Dans ce cas, la déflation indiquerait une baisse simultanée et cumulative des prix, de la production et des revenus. Pourtant, elle peut aussi provenir d’un accroissement de l’offre globale, par exemple sous l’effet du progrès technique, de l’intensification de la concurrence ou de l’abondance d’intrants moins chers (notamment du pétrole). Dans ce cas, la déflation pourrait au contraire signaler une hausse des revenus et de la production.

Claudio Borio, Magdalena Erdem, Andrew Filardo et Boris Hofmann (2015) considèrent en outre que les répercussions de la déflation sont ambigües, ne serait-ce qu'au regard de la théorie. Si elle résulte d’une insuffisance de la demande globale, la déflation peut contribuer à aggraver celle-ci. Les ménages et les entreprises pourraient en effet avoir tendance à repousser leurs achats de biens durables s’ils anticipent une poursuite de la baisse des prix. En outre, la déflation accroît la valeur réelle de la dette, ce qui dégrade la situation financière des emprunteurs et conduit ces derniers à restreindre leurs dépenses et de nouveau à baisser leurs prix en vue de se désendetter ; ce processus de déflation par la dette (debt-deflation) identifié par Irving Fisher (1933) conduirait non seulement à amplifier la contraction de la demande, mais fragiliserait également l’ensemble du système bancaire. Si les taux d’intérêt nominaux butent sur leur borne inférieure zéro (zero lower bound), la banque centrale pourra difficilement encourager les dépenses, si bien que sa politique monétaire se révélera excessivement restrictive.

D’un autre côté, Borio et ses coauteurs estiment que la déflation peut contribuer, du moins théoriquement, à accroître la production. En effet, elle permet aux entreprises d’avoir accès à des intrants moins chers. En outre, elle incite les ménages à davantage consommer en accroissant leur pouvoir d’achat et en générant des effets de richesse avec l’accroissement de leur patrimoine réel. Enfin, lorsqu’une seule économie est en déflation, la baisse des prix domestiques stimule la demande extérieure en rendant les produits domestiques plus compétitifs sur les marchés internationaux. Par contre, les effets de la déflation des prix des actifs sont moins ambigus : Elle érode le patrimoine et la valeur des collatéraux, si bien qu’elle érode la situation financière des agents et les incite à réduire leurs dépenses en raison des effets de richesse négatifs.

Borio et ses coauteurs testent le lien historique entre la croissance de la production et la déflation dans un échantillon couvrant 140 années pour 38 économies. Ils confirment le fait que les déflations survenaient régulièrement avant la Seconde Guerre mondiale. Seuls quatre épisodes de déflation persistante ont eu lieu après celle-ci, en l’occurrence au Japon (par deux fois), en Chine et à Hong-Kong. Par contre, il y a eu plusieurs épisodes momentanés de déflation durant l’après-guerre. Les déflations étaient bien plus intenses avant la Seconde Guerre mondiale qu’après celle-ci, que ce soit en termes de variation des prix qu’en termes de durée.

Les déflations ont pu aussi bien coïncider avec des périodes de croissance positive qu’avec des périodes de croissance négative. En moyenne, la croissance n’a été qu’à peine plus élevée durant les phases d’inflation que durant les phases de déflation. L’analyse empirique suggère que le lien entre croissance et déflation est faible et qu’il s’explique essentiellement par l’épisode de la Grande Dépression : au cours des années trente, il y a en effet eu une corrélation entre la déflation et la croissance. Après la Seconde Guerre mondiale, le taux de croissance du PIB a été de 3,2% durant les périodes de déflation contre 2,7 % le reste du temps. Par contre, Borio et ses coauteurs constatent un lien bien plus significatif entre la croissance de la production et la déflation des prix d’actifs, en particulier lors des épisodes de baisse des prix de la propriété durant l’après-guerre. Borio et ses coauteurs prennent alors en compte l’endettement public et privé. Ils échouent à mettre en évidence la présence de mécanismes de déflation par la dette, puisque leur analyse ne démontre pas que les dommages associés à la baisse des prix des biens et services soient plus élevés lorsque le secteur privé est fortement endetté. Par contre, la baisse des prix de la propriété semble nuire davantage à l’activité lorsqu’elle s’opère dans un contexte de fort endettement privé.

La récente expérience japonaise tendrait à confirmer les résultats de Borio et de ses coauteurs. L’économie insulaire a en effet connu à partir de la fin des années quatre-vingt-dix l’épisode déflationniste le plus persistant de l’après-guerre. Entre 1998 et 2010, les prix ont connu une chute totale de 4 %. Cette déflation persistante fait suite à l’éclatement de bulles boursière et immobilière au début des années quatre-vingt-dix, qui faisait lui-même suite à une forte expansion des prix d’actifs et du crédit à la fin des années quatre-vingt. Puisque le Japon n’a jamais renoué avec le rythme de croissance qu’il atteignait avant qu’éclatent les bulles, beaucoup ont parlé de « deux décennies perdues ». Borio et ses coauteurs rejettent cette idée en prenant en compte les évolutions démographiques du Japon. Si effectivement la croissance annuelle du PIB réel par tête a fortement ralenti durant les années quatre-vingt-dix, elle a par contre accéléré durant les années deux mille. Entre 1991 et 2000, le PIB réel par tête a augmenté de 6 % au Japon, contre 26 % aux Etats-Unis. Entre 2000 et 2013, il a augmenté de 10 % au Japon, contre 12 % aux Etats-Unis. Sur la même période, le PIB réel par habitant en âge de travailler a même augmenté de plus de 20 % au Japon, contre environ 11 % aux Etats-Unis.

Au final, ces résultats amènent Borio et ses coauteurs à mettre en doute l’idée généralement acceptée que la déflation, même lorsqu’elle persiste, soit forcément nocive à l’activité économique et à la stabilité financière.

 

Références

Banque des Règlements Internationaux (2014), « Les coûts de la déflation : que disent les données historiques ? », 84ième rapport annuel, 29 juin, pages 108-109.

BORIO, Claudio, Magdalena ERDEM, Andrew FILARDO & Boris HOFMANN (2015), « The costs of deflations: a historical perspective », Banque des Règlements Internationaux, BIS Quarterly Review, mars.

FISHER, Irving (1933), « The debt deflation theory of great depressions », in Econometrica, vol. 1, n° 4. Traduction française, « La théorie des grandes dépressions par la dette et la déflation », in Revue française d’économie, vol. 3, n°3, 1988.

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27 mars 2015 5 27 /03 /mars /2015 22:28

La récente crise financière mondiale fut avant tout une crise du crédit, mais à une échelle internationale. Il n’y avait pas eu un tel événement depuis les années trente. Beaucoup ne pensaient pas qu’un tel événement pouvait se répéter, du moins pas dans les pays avancés. D’autres l’envisageaient, mais ils considéraient qu’il ne pouvait avoir de coûts significatifs sur l’activité économique ou tout du moins que les autorités publiques (et en premier lieu les banques centrales) seraient à même de les contrecarrer. La Grande Récession a renouvelé l’intérêt des économistes pour l’étude des conséquences macroéconomiques du système financier et en particulier de ses dysfonctionnements. Les études empiriques se sont multipliées ces dernières années et elles ont permis de mettre à jour de nouveaux faits stylisés. Ce sont ces derniers qu’a récemment compilés Alan Taylor (2015).

GRAPHIQUE 1  Part des pays connaissant un début de crise financière chaque année depuis 1800 (en %)

Quels liens entre crédit, instabilité financière et macroéconomie ?

Les crises financières ont été définies par Bordo et alii (2001) comme « des épisodes de volatilité sur les marchés financiers marqués par des problèmes significatifs d’illiquidité et d’insolvabilité parmi les participants aux marchés financiers et/ou par l’intervention des autorités publiques pour contenir leurs conséquences ». En s’appuyant sur cette définition, Taylor cherche à déterminer la fréquence des crises financières, selon qu’elles soient survenues parmi les pays avancés ou bien parmi les pays en développement. Ces derniers n’ont officiellement pas connu de crises financières avant les années 1860 ; cela peut notamment s’expliquer par leur sous-développement financier. Les pays avancés ont par contre connu des crises financières presque continûment depuis 1800. Par contre, la période s’étalant entre les années quarante et les années soixante-dix, qui fut en l’occurrence une ère de répression financière et de contrôles des capitaux, fut marquée par une relative stabilité financière : il n’y eut que trois crises dans les pays émergents et aucune dans les pays avancés. Ainsi, Taylor conclut que les crises financières sont des événements rares, mais pas des cygnes noirs. La durée d’un cycle financier est plus longue que les cycles d’affaires : si une récession survient tous les 5 à 10 ans, une crise financière est moins fréquente, survenant en moyenne tous les 15 à 20 ans. Une analyse robuste des crises financières exige donc une base de données aussi étendues que possibles dans le temps comme dans l’espace. Ensuite, la fréquence des crises financières a été relativement similaire parmi pays en développement les et parmi les pays avancés. En d’autres termes, ces dernières sont loin d’être immunisés contre l’instabilité financière, contrairement à ce que beaucoup ont pu croire.

GRAPHIQUE 2  Variation du PIB réel par tête par rapport à son niveau maximal d’avant-crise (%)

Quels liens entre crédit, instabilité financière et macroéconomie ?

Taylor cherche ensuite à déterminer les coûts associés aux crises financières tout au long de l’histoire (cf. graphique 2). Il compare les répercussions des récessions associées aux crises financières avec les récessions « normales ». Pour cela, il observe 223 récessions survenues dans 17 pays avancés depuis 1870 ; le quart d’entre elles ont été associées à des crises financières. Les récessions normales sont en moyenne peu sévères : elles sont associées à une décroissance du niveau de vie au cours de la première année, avec une perte s’élevant approximativement à 2 % du PIB réel par tête, puis la croissance revient, à un rythme de 1,5 % par an au cours des quatre années suivantes. Ainsi, cinq ans après la récession d’un cycle d’affaires normal, le PIB est en moyenne supérieur de 4 % au niveau qu’il atteignait au pic d’activité. Par contre, lors des crises financières, le PIB décroît durant les deux premières années, avec une perte s’élevant à 3 % du PIB réel par tête, puis la croissance revient, mais à un rythme de 1 % au cours des quatre années suivantes. Ainsi, cinq ans après une récession financière, le PIB retrouve simplement son niveau d’avant-crise. Que ce soit avant la Seconde Guerre mondiale ou après celle-ci, les récessions financières sont plus sévères et plus longues que les récessions normales. Taylor suggère toutefois que les coûts des crises financières ont peut-être eu tendance à s’élever au cours du temps.

Il n’y a certes pas d’indicateur avancé d’instabilité financière qui soit parfait, mais l’expansion du crédit a toujours été un puissant signal avant-coureur d’une crise financière. L’observation de plus d’un siècle des données relatives à 17 pays avancés permet de mettre à jour une forte corrélation empirique entre une l’expansion du crédit bancaire et la probabilité d’une crise financière. Toutes les expansions du crédit ne se soldent pas une crise financière, mais les crises financières sont souvent précédées d’un boom du crédit. De plus, le crédit n’expliquerait pas seulement la fréquence des crises ; il contribuerait également à façonner la récession et la reprise subséquence. Plus le boom du crédit a été important, plus la récession est sévère et plus la reprise est longue. Le surendettement hérité de l’expansion du crédit expliquerait ainsi pourquoi les récessions associées au retournement du cycle financier sont plus graves que les récessions associées au retournement des cycles d’affaires.

Aux travers des multiples travaux auxquels il participa, Taylor a mis à jour plusieurs faits stylisés à propos de l’endettement privé en observant les données couvrant 17 pays depuis 1870 [Schularick et Taylor, 2012 ; Jordà et alii, 2013a]. De 1870 jusqu’à aujourd’hui, les pays avancés ont connu des niveaux d’endettement privé toujours plus élevés, à en juger par la hausse régulière du ratio crédit bancaire sur PIB. La période entre 1930 et 1950 apparaît toutefois comme une exception, dans la mesure où elle se caractérisa par un désendettement, avec la Grande Dépression et la Seconde Guerre mondiale. Le ratio crédit bancaire sur PIB n’a retrouvé son niveau de 1939 qu’en 1970. Depuis cette date, le ratio a atteint des niveaux sans précédents. En l’occurrence, à la veille de la crise financière mondiale de 2008, le crédit bancaire représentait en moyenne 100 % du PIB. Comme il se maintient à des niveaux élevés, les économies sont donc toujours exposées au risque d’instabilité financière.

 

Références

BORDO, Michael, Barry EICHENGREEN, Daniela KLINGEBIEL & Maria Soledad MARTINEZ-PERIA (2001), « Is the crisis problem growing more severe? », in Economic Policy, vol. 16, n° 32.

JORDA, Oscar, Moritz H.P. SCHULARICK & Alan M. TAYLOR, (2011), « Financial crises, credit booms and external imbalances: 140 Years of Lessons », in IMF Economic Review, vol. 59, n° 2.

JORDÀ, Òscar, Moritz H.P. SCHULARICK & Alan M. TAYLOR (2013a), « When credit bites back », in Journal of Money, Credit and Banking, vol. 45, n° 2.

JORDÀ, Òscar, Moritz H.P. SCHULARICK & Alan M. TAYLOR (2013b), « Sovereigns versus banks: Credit, crises, and consequences », NBER working paper, n° 19506, octobre.

JORDÀ, Òscar, Moritz H.P. SCHULARICK & Alan M. TAYLOR (2014a), « The Great Mortgaging: Housing finance, crises, and business cycles », NBER, working paper, n° 20501, septembre.

JORDÀ, Òscar, Moritz H.P. SCHULARICK & Alan M. TAYLOR (2014b), « Betting the house », NBER, working paper, n° 20771, décembre.

SCHULARICK, Moritz H.P., & Alan M TAYLOR (2012), « Credit booms gone bust: monetary policy, leverage cycles, and financial crises: 1870–2008 », in American Economic Review, vol. 102, n° 2, avril.

TAYLOR, Alan M. (2015), « Credit, financial stability, and the macroeconomy », NBER, working paper, n° 21039, mars.

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25 mars 2015 3 25 /03 /mars /2015 21:16

La mondialisation impose de puissantes contraintes aux systèmes économiques, financiers, sociaux et politiques. Michael Bordo et Harold James passent ainsi en revue quatre « trilemmes » identifiés par la littérature en finance internationale.

Le plus connu est le triangle des incompatibilités formalisé par Robert Mundell (1963). Selon lui, il ne peut y avoir simultanément liberté des mouvements des capitaux, fixité du taux de change et autonomie de la politique monétaire. Finalement, ce trilemme suggère que les pays doivent choisir entre deux alternatives : soit ils optent pour un approfondissement de la coopération international contraignant davantage les choix domestiques, soit ils adoptent des contrôles de capitaux pour sauvegarder l’autonomie de leur politique domestique. Tommaso Padoa-Schioppa (1982) a reformulé cette proposition en prenant en compte la politique commerciale et en parlant cette-fois-ci de « quatuor incohérent » à propos de la politique économique : il ne peut y avoir simultanément libre-échange, mobilité des capitaux, fixité des taux de change et indépendance de la politique monétaire. Hélène Rey (2013) a récemment montré que, dans un monde globalisé où les capitaux sont mobiles, la politique monétaire est contrainte, même si le taux de change est flottant. Elle identifie « un duo irréconciliable » en suggérant que les politiques monétaires ne peuvent retrouver leur indépendance qu’à la seule condition où le compte courant est administré, notamment via les mesures de politique macroprudentielle.

La globalisation financière et son lot de trilemmes

La plus grande fréquence des crises financières depuis les années quatre-vingt a amené les économistes à identifier d’autres incohérences. La libéralisation financière affaiblit les contraintes de financement, ce qui accroît le risque que le crédit connaisse une expansion excessive et que des déséquilibres financiers s’accumulent et finissent par se dénouer violemment par une crise financière. Tant que les capitaux afflux, les agents sont convaincus de la résilience du système financier domestique, ce qui les incite à prendre davantage de risques. Ainsi, au cours de l’histoire, l’irruption de capitaux dans les pays émergents caractérisés par un système bancaire fragile a régulièrement déclenché des crises financières internationales et certaines d’entre elles ont été suivies par des crises budgétaires avec le renflouement du secteur bancaire par l’Etat. En l’occurrence, comme le montre l’expérience de l’étalon-or, la crise asiatique ou plus récemment encore la crise de la zone euro, les afflux de capitaux se révèlent particulièrement perturbateurs lorsqu’ils surviennent dans un régime de taux de change fixe ou dans une union monétaire. Certains ont alors suggéré que l’adoption d’un régime de change flexible contribue à contenir les excès, puisqu’un afflux de capitaux devrait en principe entraîner une appréciation du taux de change qui ne peut que réduire l’attractivité des placements domestiques. Face aux afflux de capitaux, les pays doivent adapter leurs institutions, mais très souvent, ils échouent à le faire, si bien que les mouvements de capitaux alimentent finalement les comportements de chasse au rendement, la corruption et surtout l’instabilité financière. Ainsi, selon le deuxième trilemme, il est difficile de concilier l’ouverture du compte de capital, la fixité du taux de change et la stabilité financière.

La globalisation financière et son lot de trilemmes

Bordo et James prennent ensuite en compte la dimension politique de l'ouverture commerciale et financière. Ils rappellent que la mobilité des capitaux réduit la capacité des Etats démocratiques à opérer une redistribution des revenus et à taxer les hauts revenus. En outre, les Etats peuvent initialement apprécier les bénéfices associés aux entrées de capitaux, mais les Etats démocratiques peuvent toutefois désirer également décider de manière indépendante leur politique monétaire. Ils doivent alors arbitrer entre l’autonomie de leur politique monétaire et la capacité à attirer les capitaux. Chacune de ces deux options se caractérise par des problèmes d’incohérence temporelle : si la politique monétaire est d’autant plus efficace qu’elle n’est pas anticipée, les afflux de capitaux ne sont bénéfiques à l’économie que si les agents anticipent leur poursuite. Tant que les afflux se poursuivent, le système politique semble stable et l’opposition au gouvernement en place s’effrite. Par contre, lorsque l’économie subit une crise financière et économique suite à une fuite des capitaux, le système politique devient instable, les électeurs reportant le blâme sur les gouvernants en place et se tournant alors plus facilement vers des partis d’extrême-gauche ou d’extrême-droite. Pour Dani Rodrik (2000, 2007), nous ne pouvons poursuivre simultanément la démocratie, la souveraineté  nationale et la mondialisation. De leur côté, Bordo et James avancent un troisième trilemme : il y a une incompatibilité entre les flux de capitaux, l’indépendance de la politique monétaire et la démocratie.

La globalisation financière et son lot de trilemmes

Bordo et James s’interrogent alors sur les interactions entre la démocratie, les mouvements de capitaux et l’ordre international. Les démocraties acceptent l’ordre international lorsqu’il leur permet d’attirer des capitaux. Ce sont surtout les formes d’engagement politiques (comme les traités et alliances entre pays) et non pas monétaires (comme l’appartenance à l’étalon-or ou à une union monétaire) qui convainquent les créanciers de prêter. Les alliances signalent aux investisseurs que les gouvernements des pays créanciers contraindront les banques à continuer de prêter, ce qui réduit le risque d’un arrêt soudain dans les flux de capitaux. La mobilité des capitaux et les limites imposées par l'ordre internationale contraignent toutefois fortement les politiques domestiques. Lorsque les capitaux refluent et les bénéfices qu'ils apportent à l'économie domestique s'évanouissent, les incitations à respecter les engagements internationaux disparaissent également. Bordo et James formulent ainsi un quatrième trilemme : nous ne pouvons concilier simultanément les flux de capitaux, la démocratie et un ordre politique international stable.

La globalisation financière et son lot de trilemmes

Bordo et James concluent en soulignant qu’il existe toujours des situations intermédiaires en pratique, si bien que les autorités monétaires disposent toujours des marges de manœuvre pour les autorités publiques. Par exemple, Mundell soulignait déjà qu’il n’y a jamais une mobilité parfaite des capitaux, ni une autonomie totale de la politique monétaire, si bien que les restrictions apportées aux mouvements des capitaux laissent ainsi une certaine marge de manœuvre aux autorités monétaires.

 

Références

BORDO, Michael, & Harold JAMES (2015), « Capital flows and domestic and international order: Trilemmas from macroeconomics to political economy and international relations », NBER, working paper, mars.

MUNDELL, Robert A. (1963), « Capital mobility and stabilization policy under fixed and flexible exchange rates », in Canadian Journal of Economic and Political Science, vol. 29, n° 4.

PADOA-SCHIOPPA, Tommaso (1982), « Capital mobility: Why is the treaty not implemented? ».

REY, Helene (2013), « Dilemma not trilemma: The global financial cycle and monetary policy independence », document de travail présenté à la conference de Jackson Hole, août.

RODRIK, Dani (2000), « How far will international economic integration go? », in Journal of Economic Perspectives, vol. 14, n° 1.

RODRIK, Dani (2007), « The inescapable trilemma of the world economy ».

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