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12 mars 2014 3 12 /03 /mars /2014 16:26

Leonardo Gambacorta, Jing Yang et Kostas Tsatsaronis (2014) explorent dans une publication pour la Banque des règlements internationaux les liens entre la structure financière d’un pays et sa croissance économique. Ils observent tout d’abord comment la structure financière d’une économie change avec les caractéristiques de cette dernière. Pour cela, ils distinguent entre les économies dominées par le financement de marché et celles dominées par le financement bancaire. Plus le PIB par tête s’élève, plus le financement de marché prend une place importante, notamment car les ménages et les entreprises demandent des services plus sophistiqués. En l’occurrence, les compagnies d’assurance, les fonds de pension et les fonds communs de placement représentent une plus grande part du PIB dans les pays avancés. La tertiarisation de l’économie participe au développement du financement de marché. En effet, les secteurs utilisant abondamment du capital physique et facilement transférable (comme l’agriculture) et les secteurs dont la production peut être facilement utilisée comme garantie pour le prêt bancaire (comme la construction) tendent à davantage à utiliser l’endettement bancaire comme source de financement. Par contre, les secteurs dépendant fortement du capital humain (comme les services professionnels) tendent à davantage se tourner vers le financement par émission d’actions et d’obligations. Le financement de marché nécessite toutefois un cadre légal et institutionnel pour se développer, si bien que les pays institutionnellement peu sophistiquées (ce qui est le cas des pays en développement) tendent à utiliser le financement bancaire. Enfin, le droit commun (common law) tendrait à favoriser le financement de marché, tandis que le droit civil à la française favoriserait au contraire le recours aux banques.

Ensuite, les auteurs observent la relation entre la structure financière et la croissance économique. Ils cherchent par là à affiner les résultats obtenus par les précédentes études. Par exemple, Demirgüç-Kunt, Asli, Erik Feyen et Ross Levine (2011) ont constaté que, au fur et à mesure que la croissance économique se poursuit, la production tend à devenir de moins en moins sensible aux mutations du secteur bancaire, mais de plus en plus sensible aux évolutions des marchés financiers. Stephen Cecchetti et Enisse Kharroubi (2012) analysent comment la taille du secteur financier affecte la croissance de la productivité. Leur analyse suggère qu’il existe une relation en U inversé entre la première et la seconde : le développement du secteur financier tend à stimuler la croissance dans les pays disposant d’un système financier faiblement développé, mais il tend au contraire à nuire à la croissance lorsque la taille du secteur financier atteint une certaine taille critique. Siong Hook Law et Nirvikar Singh (2014) confirment une telle relation entre la taille du secteur financier et la croissance du PIB. Christiane Kneer (2013) explique en partie ces résultats en observant que les réformes financières amènent à détourner la main-d’œuvre qualifiée au profit du secteur financier, mais au détriment de l’activité réelle. Bref, la finance attire les talents au détriment de la croissance. 

Gambacorta et ses coauteurs confirment que, jusqu’à un certain point, les banques et les marchés financiers stimulent la croissance économique. Comme l’a noté Ross Levine (2005) d’un point de vue théorique, les banques et les marchés financiers jouent un rôle complémentaire en proposant des services différents. Il apparaît que les services bancaires sont particulièrement bénéfiques pour les pays les moins développés. Toutefois, au-delà de ce seuil critique, toute croissance supplémentaire de l’activité financière tend à s’accompagner d’un ralentissement de la croissance économique. Ils cherchent alors où se situent les pays émergents et les pays avancés par rapport ce seuil. Leurs estimations suggèrent que tout développement supplémentaire des marchés financiers se révélera bénéfique pour la croissance des émergents, tandis que tout développement supplémentaire du secteur bancaire ne se traduira que par un gain limité de croissance. En revanche, les pays avancés semblent avoir dépassé le point au-delà duquel tout développement financier s’avère dommageable pour la croissance. 

Enfin, Gambacorta et ses coauteurs observent le rôle que les banques et les marchés financiers jouent dans l’amortissement du cycle d’affaires. Ils constatent que les banques et marchés se distinguent considérablement selon leurs effets. Les pays développés perdent en moyenne l’équivalent de 4 % de leur PIB lors d’une récession normale. Les économies dominées par le système bancaire apparaissent toutefois particulièrement résilientes, car elles n’enregistrent en moyenne aucune perte. En effet, lors des récessions normales, les banques en bonne santé aident à amortir le choc ; les banques bien capitalisées restent enclines à prêter en raison des relations de long terme qu’elles peuvent nouer avec leurs clients, chose que ne peuvent faire les marchés financiers.

En revanche, lorsque les récessions coïncident avec des crises financières, elles tendent à être plus sévères, un résultat obtenu à plusieurs reprises par Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff et confirmé par d’autres auteurs. L’impact sur le PIB est en l’occurrence trois fois plus important dans les économies dominées par les banques que dans celles dominées par le marché : en moyenne, les premières enregistrent une perte en production équivalente à 12,5 % de leur PIB, tandis que les secondes perdent en moyenne 4,2 % de leur PIB. Lors d’une crise financière, les banques peuvent être réticentes à restructurer leurs bilans. Certaines banques peuvent choisir de reconduire les prêts non performants pour ne pas reconnaître leurs pertes, tout en refusant de prêter aux entreprises solvables ; mais ce faisant, ces « banques zombies » contraignent la croissance à long terme en perturbant l’allocation des ressources. Au contraire, les marchés financiers incitent les agents à se désendetter lors des crises financières, ce qui permet à l’économie de renouer avec une croissance plus soutenable à l’issue de la récession [Bech et alii, 2012]. Gambacorta et ses coauteurs retrouvent une conclusion régulièrement avancée par la Banque des règlements internationaux : les politiques monétaires qui ont été mises en œuvre ces dernières ont peut-être été excessivement accommodantes dans les pays avancés, dans la mesure où elles auraient empêché le désendettement des agents d’arriver à son terme et privé les économies d’une reprise durable.

 

Références

BECH, Morten, Leonardo GAMBACORTA & Enisse KHARROUBI (2012), « Monetary policy in a downturn: Are financial crises special? », BRI, working paper, n° 388, septembre. 

CECCHETTI, Stephen G., & Enisse KHARROUBI (2012), « Reassessing the impact of finance on growth », BRI, working paper, n° 381, juillet.

DEMIRGÜÇ-KUNT, Asli, Erik FEYEN & Ross LEVINE (2011), « The evolving importance of banks and securities markets », Banque mondiale, policy research working paper, n° 5805.

GAMBACORTA, Leonardo, Jing YANG & Kostas TSATSARONIS (2014), « Financial structure and growth », in BIS Quarterly Review, mars.

KNEER, Christiane (2013), « Finance as a magnet for the best and brightest: Implications for the real economy », De Nederlandsche Bank, working paper, n° 392, septembre.

LAW, Siong Hook & Nirvikar SINGH (2014), « Does too much finance harm economic growth? », in Journal of Banking and Finance, vol. 41, pp 36-44.

LEVINE, Ross (2005), « Finance and growth: Theory and evidence », In Philippe Aghion & Steven Durlauf (dir.), Handbook of Economic Growth, chapitre 12.

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8 mars 2014 6 08 /03 /mars /2014 13:44

Si la politique monétaire est susceptible de stimuler l'activité, c'est notamment en stimulant la prise de risque. La baisse des taux d'intérêt nominaux, mais aussi des mesures moins conventionnelles comme l'assouplissement quantitatif ou le forward guidance semblent conduire à une baisse des primes de risque sur les obligations du Trésor à long terme et des primes de risque du crédit sur les obligations d’entreprise qui se révèlent favorables à l'investissement. Or, ces prises de risques peuvent se révéler à double tranchant si les agents s'endettent pour les financer ; un endettement excessif fragilise l’ensemble du système financier et expose alors l’économie à une crise financière.

Michael Feroli, Anil Kashyap, Kermit Schoenholtz et Hyun Song Shin (2014) suggèrent que les autorités publiques ne doivent pas seulement se préoccuper du levier d’endettement dont font usage les banques traditionnelles ou le secteur bancaire parallèle (shadow banking system), mais également se soucier des risques financiers associés au comportement des gestionnaires d’actifs qui n’ont pas recours à l’endettement, par exemple des gestionnaires des fonds obligataires. Les fonds à revenu fixes ont connu une forte expansion depuis le début de la crise financière mondiale, alors que plusieurs indicateurs d’endettement du secteur financier ont diminué. Or, le comportement de ces institutions financières n’est pas forcément compatible avec la stabilité financière.

Les auteurs développent un modèle où la gestion d’actifs sous mandat est l’objet d’aléas moraux. Dans leur modélisation, les gestionnaires d’actifs s’inquiètent de leur performance relative, si bien qu’un environnement de faibles taux d’intérêt de court terme est susceptible de les encourager à se lancer dans une quête de rendement, qui se traduit alors par une baisse des primes de risque. Il suffit alors que la banque centrale resserre sa politique monétaire ou annonce un tel resserrement pour que cette quête de rendement s’achève soudainement sur une forte correction des primes de risque, à l’instar de la plus forte volatilité des spreads observée sur les marchés financiers au cours du printemps et de l’été 2013.

Feroli et ses coauteurs rejettent ainsi le « principe de séparation », selon lequel les banques centrales doivent se contenter d’utiliser leur politique monétaire pour atteindre le plein emploi et la stabilité des prix, tout en laissant la question de la stabilité financière à la politique prudentielle. En effet, les outils traditionnels de politique macroprudentielle comme le contrôle du crédit ne suffisent pas pour s’attaquer aux risques que les investisseurs sans endettement font peser sur la stabilité financière. En raison de l’efficacité limitée de la réglementation et de l’impact direct de la politique monétaire sur le comportement des gestionnaires d’actifs, les banques centrales doivent nécessairement prendre en compte les risques associés à ces derniers lorsqu’elles élaborent leur politique monétaire.

Ainsi, les décisions qu’une banque centrale doit prendre lorsque l’économie est déprimée sont moins faciles qu’on ne pourrait habituellement le penser. L’arbitrage auquel une banque centrale fait face ne consiste pas vraiment à choisir entre plus ou moins de relance aujourd’hui ; il s’agit plutôt d’un arbitrage intertemporel à travers lequel opter pour une relance aujourd’hui complique la normalisation de la politique monétaire demain. Les politiques monétaires non conventionnelles conduisent également à une accumulation de risques financiers difficiles à renverser plus tard. La pratique même du forward guidance, qui est adoptée lorsque les taux directeurs butent sur leur borne inférieure zéro (zero lower bound), vise à accélérer la reprise en encourageant la prise de risque, mais ce faisant elle accroît le risque d’instabilité financière lorsque la banque centrale resserrera sa politique monétaire.

Même si Feroli et ses coauteurs ne portent aucun jugement sur les décisions prises par la banque centrale américaine, leur étude vient préciser les conditions auxquelles cette dernière fait face. La Fed annonce depuis quelques mois un resserrement de sa politique monétaire. Certains s'inquiètent que ce resserrement, voire même sa simple annonce, déstabilise les pays émergents ; cette nouvelle étude suggère que le tapering pourrait générer des trubulences financières au sein même de l'économie américaine.

 

Références

FEROLI, Michael, Anil K. KASHYAP, Kermit SCHOENHOLTZ & Hyun Song SHIN (2014)« Market tantrums and monetary policy », présenté lors du 2014 U.S. Monetary Policy Forum, New York, 28 février.

STEIN, Jeremy C. (2014)« Comments on "Market tantrums and monetary policy" », présenté lors du 2014 U.S. Monetary Policy Forum, New York, 28 février.

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4 mars 2014 2 04 /03 /mars /2014 23:48

La Grande Récession et la nécessité d'une intervention des autorités publiques pour ramener l'économie au plein emploi ont renouvelé l'intérêt pour les études autour de la politique budgétaire, notamment pour déterminier son efficacité à stimuler l'économie, mais aussi pour mieux évaluer la soutenabilité des finances publiques. En observant les Etats-Unis, Alan Auerbach et Yuriy Gorodnichenko (2012) ont, parmi d’autres, montré que la taille du multiplicateur budgétaire (c’est-à-dire la sensibilité de l’activité économique aux changements de politique budgétaire) était bien plus élevée lors des périodes de récessions qu’en périodes d’expansions. Un tel résultat tend à justifier l'adoption de politiques budgétaires contracyliques, c'est-à-dire expansionnistes lors des récessions (pour stimuler l'activité et l'emploi) et restrictives lors des expansions (afin de rééquilibrer les finances publiques). Auerbach et Gorodnichenko (2014) poursuivent leurs précédents travaux en se concentrant cette fois-ci sur l’impact de la politique budgétaire au Japon. L’économie nippone se distingue des autres pays avancés par une situation exceptionnelle : ces dernières décennies, elle est restée dans la stagnation et a régulièrement connu la déflation, malgré la mise en œuvre de plusieurs plans de relance. L’analyse réalisée par Auerbach et Gorodnichenko pour la période s’étalant entre 1960 et 2012 suggère que la politique budgétaire est, comme dans les autres pays avancés, à même de stimuler l’activité au Japon, en particulier lors des récessions : le multiplicateur budgétaire est plus élevé en bas du cycle économique qu'en haut. Les résultats sont toutefois moins clairs en ce qui concerne la période récente : le multiplicateur semble plus instable.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette instabilité. Tout d’abord, les autorités budgétaires perdent de leur capacité à stimuler l’activité si la banque centrale joue contre elles. A partir du milieu des années quatre-vingt-dix, la Banque du Japon a constamment suggéré qu’elle resserrait sa politique monétaire aussitôt qu’apparaitraient des signes d’accélération de l’inflation. Non seulement un tel comportement de la part des autorités monétaires a pu contribuer à maintenir l’économie insulaire dans la déflation, mais il a pu également rendre inefficace la politique budgétaire. En l’occurrence, la banque centrale n’a pas à resserrer sa politique monétaire pour que l’effet stimulant de la politique budgétaire s’étiole : la simple annonce d’un resserrement monétaire suffit. En outre, les plans de relance mis en œuvre par les gouvernements successifs ont pu se révéler inefficaces en raison de leur nature temporaire et, pour certains auteurs, tout simplement parce qu’ils ont été de faible ampleur [Kuttner et Posen, 2002]

De plus, l’éclatement même des bulles immobilière et boursière à la fin des années quatre-vingt a pu rendre inopérants certains canaux de transmission des politiques conjoncturelles. En particulier, les banques japonaises ont eu du mal à reconnaître l’étendue de leurs pertes suite à l’effondrement des prix d’actifs. Or, si elles sont sous-capitalisées, les banques sont susceptibles de reconduire leurs prêts aux clients défaillants afin de les maintenir à flot, tout en refusant d’accorder des prêts aux entreprises solvables, en l’occurrence les entreprises les plus productives. Un tel comportement entraîne alors une mauvaise allocation des capitaux et détériore par là le potentiel de l’économie. 

Ensuite, la stagnation économique, plus que les plans de relance, a entraîné une forte hausse de l’endettement public en comprimant les recettes fiscales [Kuttner et Posen, 2002]. Celui-ci représente aujourd’hui plus de 235 % du PIB. Or, il est possible que ce niveau exceptionnellement élevé de dette publique amène les agents privés à adopter des comportements ricardiens : puisqu’ils savent que le gouvernement devra à l’avenir fortement réduire les dépenses publiques et accroître les recettes fiscales pour ramener la dette sur une trajectoire plus soutenable, les ménages et les entreprises peuvent rester insensibles au déploiement d’un plan de relance aujourd'hui, voire même réduire leurs dépenses en prévision des futurs resserrements budgétaires.

Enfin, Auerbach et Gorodnichenko soulignent que toute analyse de la politique budgétaire japonaise fait face à plusieurs problèmes d’ordre méthodologique. Les deux auteurs rappellent que les données en comptabilité nationale du Japon sont incomplètes : il n’y a pas de série continue d’estimations du PIB pour l’après-guerre ; certaines variables ne sont tout simplement pas disponibles (par exemple l’utilisation des capacités) ; d’autres sont peu utiles, notamment le taux de chômage, car celui-ci est relativement insensible au cycle d’affaires. Il est difficile d’obtenir des mesures claires du cycle d’affaires au Japon. L’économie insulaire a connu une longue stagnation depuis 1990, mais il est difficile de séparer la tendance du cycle, en l’occurrence de déterminer si cette stagnation correspond à une « nouvelle norme » (new normal) ou à une sous-utilisation des capacités de production.

Cette étude éclaire toutefois les nouvelles mesures de politique économique mises en œuvre depuis l’année dernière par le gouvernement de Shinzo Abe pour sortir enfin l’économie nippone de la stagnation. En déployant la « première flèche » de l’abenomics, la Banque du Japon espère mettre fin à la déflation : elle accroît fortement sa base monétaire pour atteindre un taux d’inflation de 2 % et étend pour cela la gamme d'actifs qu'elle achète. Ainsi, la banque centrale ne menace pas de resserrer sa politique monétaire en cas d’accélération d’inflation ; elle vise précisément celle-ci. L’assouplissement de la politique monétaire peut alors renforcer l’impact de la relance budgétaire sur l’activité économique (la « seconde flèche »). Réciproquement, si la croissance économique s’accélère, les entreprises et les ménages relèveront leurs anticipations d’inflation, ce qui pourrait enclencher un cercle vertueux, en particulier si les entreprises sont incitées à verser de plus hauts salaires (ce qui est précisément l’un des objectifs attachés à la « troisième flèche » de l’abenomics). D’un autre côté, en accroissant les dépenses publiques et en finançant celles-ci par l’émission de titres, le gouvernement accroît délibérément la dette publique, ce qui pourrait renforcer les comportements ricardiens. Enfin, l’annonce d’un relèvement de la TVA dans les prochains moins risque elle-même de réduire l’efficacité de la deuxième flèche en donnant un caractère temporaire à la relance budgétaire. 

 

Références

AUERBACH, Alan J., & Yuriy GORODNICHENKO (2012), « Measuring the output responses to fiscal policy », in American Economic Journal: Economic Policy, vol. 4, n° 2, mai.

AUERBACH, Alan J., & Yuriy GORODNICHENKO (2014), « Fiscal multipliers in Japan », National Bureau of Economic Research, working paper, n° 19911, février.

KUTTNER, Kenneth N., & Adam S. POSEN (2002), « Fiscal policy effectiveness in Japan », in Journal of the Japanese and International Economies, vol. 16, n° 4, décembre.

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